Désengagement n Cinq ans après le début du conflit, aucune capitale, à l'exception de l'Ethiopie, n'a fourni les moyens de transport cruciaux pour couvrir ce vaste territoire. Nyala, la plus grande ville du Darfour, a beau être située dans une région déchirée par la guerre civile, elle n'en attire pas moins des investisseurs intrépides, intéressés par son potentiel commercial. 60% de la population du Darfour vit à Nyala ou dans les villages alentour. Pour les Soudanais, Nyala, qui possède les meilleures infrastructures de la région, offre de nombreuses opportunités d'affaires, bien qu'elles restent précaires en raison de la guerre civile qui sévit dans la région depuis 2003. «Nyala est l'une des villes les plus riches du Darfour et du Soudan. Nous avons (...) les plus importantes quantités d'eau, de ressources naturelles et de bétail», affirme un responsable local du gouvernement. «Si on instaurait la sécurité et une paix réelle, Nyala deviendrait l'une des villes les plus importantes de la région. On attirerait des investisseurs et des gens du monde entier vers ce paradis», ajoute-t-il. Seulement, la sécurité n'est pas encore instaurée. Six mois après son lancement au Darfour, la mission de l'ONU et de l'Union africaine (Minuad) n'a reçu aucun des renforts promis. Cette force dite «hybride» devait être la plus importante opération de maintien de la paix au monde, avec 26 000 hommes. Elle ne dispose au sol, pour l'instant, que d'environ 9 200 soldats et policiers. En dépit des promesses de ramener la paix dans la province soudanaise, cinq ans après le début du conflit, aucune capitale n'a fourni les moyens de transport, cruciaux pour couvrir ce vaste territoire aux voies de communication limitées, à l'exception de l'Ethiopie qui a mis quelques hélicoptères à disposition. Les premiers bataillons (deux contingents, égyptien et éthiopien), qui doivent venir élargir un effectif constitué par la force africaine, se font toujours attendre. «On ne peut pas reprocher à la Minuad le fait que la communauté internationale n'ait pas envoyé de forces», déclarait récemment son commandant militaire, le général Martin Agwai. Pour Rodolphe Adada qui est à la tête de la Minuad, la sécurité ne pourra être rétablie tant que la Mission ne sera pas au complet. «Nous sommes en train de nous faire une bonne réputation, mais cela ne peut pas durer longtemps», a averti le général Balla Keita, commandant de la Minuad au Darfour occidental. Les conditions de vie sont éprouvantes. Dans le camp d'Ardamata, à l'ouest du Darfour, on commence à pointer sur l'ONU un doigt accusateur. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a été contraint de réduire ses livraisons de nourriture. Le PAM espère nourrir 2,7 millions de personnes mais, depuis le mois de mai, les rations de céréales, de légumes secs et de sucre ont été réduites de moitié. Hors du camp, les travailleurs du PAM ne sont pas en sécurité. Depuis janvier, 79 de leurs camions ont été attaqués et 39 chauffeurs sont portés disparus. «S'ils n'obtiennent pas de nourriture (...) cela va devenir très dur. Et nous nous préparons à y faire face. Nous avons besoin de compenser le manque de nourriture par une plus grande protection», déclare le général Balla Keita. «Une guerre par procuration» l Les diplomates qui cherchent une solution à la crise au Darfour doivent s'attaquer aussi au conflit entre le Tchad et le Soudan, estiment responsables et analystes. «Tout est tellement lié», insiste le général sénégalais Balla Keita. «Si vous voulez, par exemple, trouver une solution à la crise au Darfour, vous n'obtiendrez jamais rien sans régler les problèmes avec le Tchad», martèle-t-il. Le Soudan dément tout soutien aux rebelles tchadiens et N'Djamena affirme ne pas appuyer les groupes au Darfour, y compris le Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM). «Tout le monde sait que l'opposition tchadienne se trouve ici au Darfour», tranche le général Keita. «Et tout le monde sait que le JEM est au Tchad.» Le rôle du Tchad dans le conflit au Darfour ne faisait pas partie du mandat des négociateurs de l'ONU lors des pourparlers de paix intersoudanais lancés à Syrte (Libye) en octobre 2007, et qui n'ont rien donné. «Pourquoi se concentrent-ils sur le Darfour ? Ils devraient également chercher à résoudre le problème au Tchad et les problèmes entre les deux pays», dit le général Keita. Les cadres de la mission de l'ONU renvoient de leur côté aux acteurs régionaux la responsabilité de traiter le différend tchado-soudanais. «La communauté internationale et le Conseil font beaucoup de choses, mais ils peuvent en faire davantage», a jugé l'un d'eux, estimant que «dans une certaine mesure», Tchad et Soudan se livraient au Darfour une guerre par procuration.