Ambiance n Ce vieux quartier est sauvé notamment par l'intense activité commerciale, source d'attraction d'un nombre important de citoyens. Comme toute grande agglomération, la ville de Constantine est sillonnée de nombreux boulevards mais un seul demeure dans la conscience collective comme le boulevard de la cité du vieux rocher. Cette artère porte officiellement le nom du chahid Mohamed-Belouizdad, mais tout le monde, ici, l'appelle «le Boulevard» tout court ou encore «El-Boulfar», sa prononciation populaire. Toutes proportions gardées, cette avenue commerçante qui traverse la partie supérieure du quartier de Saint-Jean, s'est transformée, au fil des ans, en «Champs-Elysées» de la ville, une plaque tournante où tous les Constantinois se retrouvent en fin de journée pour un tour devenu rituel dans cette artère qui mène partout. L'élite constantinoise, ou ce qu'il en reste, semble vouer, sans le dire, une affection particulière à cette partie de la ville. Ils sont, en effet, nombreux les universitaires et autres personnalités de Constantine à se retrouver, surtout en fin de journée et par saison chaude, en train de faire une fois ou deux la boucle «Boulevard» – rue Abane-Ramdane en passant par la Pyramide. Ce rituel, accompli de préférence aux côtés d'un ami, est à la fois convivial et utile car il permet de tâter le pouls de la ville, d'avoir les dernières nouvelles ou de rencontrer, sans rendez-vous préalable, une connaissance, un être cher qu'on a fini par oublier, un «faiseur d'opinion»... Et de se maintenir ainsi immergé dans l'ambiance de la cité. Le «Boulevard», qui portait à sa naissance le nom du grand poète romantique Victor Hugo, figurait parmi les artères les plus chics de Constantine avec plein de boutiques luxueuses, de cafés de haut standing et de nombreux commerces aux belles vitrines bien garnies. Aujourd'hui, avec le poids des ans et le manque d'entretien du cadre bâti, ici comme ailleurs, et surtout le problème de glissement de terrain qui menace, selon certains, tout le quartier de Saint-Jean, le «Boulevard» a beaucoup perdu de son lustre, mais pas de son attractivité. Non seulement l'artère et l'avenue Messaoud-Boudjeriou, située dans son prolongement, comptent d'importantes administrations, comme le tribunal et la daïra, la «petite poste», l'Opgi et bien d'autres, mais elle fait aussi face au quartier du Coudiat qui compte la plus grande concentration de lycées de toute la ville. La démolition, ces dernières années, de la Maison du cadeau, l'imposante bâtisse située juste en contrebas du tracé de l'artère, a dégarni ce coin de la ville de l'un de ses plus grands repères bâtis, de même que le rasage de très larges pans de la partie basse de Saint-Jean l'a privée de sa profondeur géosociale. Mais notre «Boulevard» renaît aujourd'hui de ses cendres, en quelque sorte, puisque bon nombre de locaux, auparavant gagnés par la dégradation au point d'être menacés par la décrépitude et l'oubli, ont été repris et réaménagés, qui par un opérateur de téléphonie mobile, qui par un concessionnaire de véhicules, qui encore par des commerçants des environs.