Résumé de la 5e partie n Jeffrey coupe du bois, Hannah, après les corvées domestiques, sort et s'assoit sur la jetée... Soudain, l'un des grands poteaux de la jetée du voisin se mit à bouger. Quelque chose jaillit hors de l'eau, frétilla dans les airs, retomba dans l'eau. Puis je distinguai la canne à pêche qui dessinait un arc entre la haute silhouette sombre de l'homme sur la jetée et le poisson. J'observai, fascinée, la canne qui fléchissait et se redressait, et l'homme qui l'accompagnait de son balancement, jusqu'au moment où le poisson creva à nouveau la surface. Il se tordit en donnant une dernière, longue saccade, lança un éclair argenté et on eut soudain l'impression qu'il avait des ailes. La canne se redressa sèchement et le poisson, au terme d'une courbe gracieuse, replongea dans l'étang. Libre. J'avais applaudi sans le vouloir. Le bruit, amplifié par l'écho, courut à la surface de l'eau comme une petite salve au canon. La silhouette sombre, sur l'embarcadère, se retourna dans ma direction. Je sentis les planches trembler, et Jeffrey parIa derrière moi : — Il est ici, donc. Je me retournai, surprise par cette voix sifflante. Je posai la main sur son bras. — Oui, il est ici. Quelle importance ? — Quelle importance ? Bien sûr que ça a de l'importance ! Justement. Bon sang de bon sang ! Je voulais qu'on soit seuls, tous les deux. Je me mis à rire, avec un geste de ma main tremblante vers les kilomètres et les kilomètres de forêt envahis par l'obscurité. Il me semble que ce n'est pas la place qui manque. Jeffrey baissa les yeux sur moi. Son sourire effaça la crispation bizarre de sa mâchoire. Il passa un bras autour de ma taille et nous repartîmes vers la cabane. Au moment de franchir le seuil, je me retournai vers le pêcheur, mais il n'était plus là. La lanterne, c'était bien utile. Tout comme le poêle à bois. Et le repas qui cuisait doucement dans la marmite. Et Jeffrey, le Jeffrey d'avant, le Jeffrey du Harry's Tap, qui parlait et qui riait et qui tendait la main pour prendre la mienne par-dessus la table bancale. Le repas achevé, la vaisselle faite, les verres de vin remplis, il se leva et m'entraîna vers la banquette. Après avoir calé les coussins derrière lui, il m'attira contre son épaule. — Bon, dit-il, je t'écoute. Qu'est-ce qui ne va pas ? Qu'est-ce qui nous arrive, Hannah ? Ou devrais-je dire plutôt, qu'est-ce qui t'arrive ? Moi, je ressens toujours la même chose. Et vois-tu, je crois que toi aussi, tout au fond, là où ça compte vraiment. — Jeffrey... dis-je, et je n'allai pas plus loin. C'était peut-être le vin. Mon esprit semblait soudain au point mort. — Et voilà. N'est-ce pas que j'avais raison ? Ce n'est pas nous, ça ! Quand nous ne sommes plus que tous les deux, loin de tout, seuls, il n'y a plus de problèmes. Tu m'appartiens, Hannah, tu ne vois pas que tu m'appartiens ? — Je... oui... parfois (à suivre...)