Résumé de la 2e partie n Jeffrey invite Hannah à la cabane de son père... Habituellement, en raison du risque de gel, il vidangeait les conduites d'eau et fermait la cabane au dernier week-end de septembre. Seule, cette année, la douceur exceptionnelle de ce mois d'octobre – un véritable été indien – l'avait incité à s'y rendre. J'écoutai d'abord avec attention Jeffrey parler de la cabane – il y avait une quantité de cerfs et de biches, de renards, de truites. Pas de téléphone, pas d'électricité, pas de voisins... Mais la voix de Jeffrey semblait se rapprocher et s'éloigner par intermittence, le soleil chauffait à travers le pare-brise, les pneus de la voiture chantaient doucement sur l'asphalte, et je sentis bientôt le sommeil me gagner. Je fermai les yeux. La première ornière de la piste de terre me réveilla. — Tu viens de rater Fairnham, me dit Jeffrey. — Fairnham ? — Notre dernier îlot de civilisation. Si on peut dire. Un bureau de poste, une laverie automatique et la mairie. Je regardai autour de moi. D'un côté comme de l'autre – s'étendait une nature sauvage – des forêts profondes, obscures, inviolées. D'immenses pins empêchaient la lumière d'y pénétrer, et le sol disparaissait sous les arbustes, les ronces et les souches mortes. Nous parcourûmes encore une bonne vingtaine de kilomètres en cahotant entre les ornières puis Jeffrey donna un violent coup de volant à gauche et nous nous enfonçâmes sous les arbres. Je retenais ma respiration. Jeffrey se mit à rire. — On y est presque ! Quand je repris enfin mes esprits, je vis que nous n'étions pas en train d'ouvrir une nouvelle piste à travers la forêt comme je l'avais cru d'abord, mais que nous suivions un sentier à peine visible sous les feuilles mortes et les aiguilles de pin. Il semblait courir à l'infini entre les arbres qui se rapprochaient de plus en plus de chaque côté. Enfin, au moment où je me disais que j'allais étouffer si je ne voyais pas un peu de ciel, d'air ou de lumière, j'aperçus un reflet d'eau entre les troncs. La voiture s'arrêta quelques mètres plus-loin. — ça te plaît ? demanda Jeffrey. Je ne répondis pas tout de suite. Je n'étais pas certaine que ça me plaisait. En regardant droit devant moi, je ne voyais plus cette forêt sinistre, comme si elle avait disparu sur un coup de baguette magique, mais une grande trouée ensoleillée et la surface brillante de l'étang. Une étroite jetée faite de planches grossièrement ajustées courait entre la zone ensoleillée et la cabane, mais je vis en me retournant pour regarder la cabane que ni le soleil ni l'eau ne pouvaient l'atteindre. Elle était nichée dans un renfoncement si obscur qu'il semblait y faire nuit, et les bardeaux décolorés qui formaient un auvent plongeaient ce qui paraissait être la porte et les fenêtres dans une pénombre encore plus épaisse. (à suivre...)