Audience n Le procès de l'ancien chauffeur de Ben Laden, Salim Ahmed Hamdan, aura lieu devant un tribunal militaire d'exception, du jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale. Lundi, Salim Hamdan, un Yéménite âgé d'une quarantaine d'années, comparaîtra pour «complot» et «soutien matériel au terrorisme». Il encourt la prison à vie à l'issue d'un procès qui devrait durer deux semaines. Il est, plus généralement, accusé d'être l'ancien chauffeur et garde du corps d'Oussama Ben Laden, d'avoir suivi des entraînements dans des camps d'Al-Qaîda en Afghanistan et livré des armes et des munitions à travers le pays. Arrêté par l'armée afghane en novembre 2001 avant d'être livré aux forces américaines, il transportait, selon l'accusation, deux missiles sol-air dans son coffre. Il est enfermé depuis plus de six ans à Guantanamo, le plus souvent en isolement total. Son procès, cinq ans après son inculpation par George W. Bush, a failli jusqu'au dernier jour être suspendu. C'est seulement jeudi que le juge fédéral James Robertson a rejeté le dernier recours de ses avocats qui espéraient qu'une décision de la Cour suprême, à la mi-juin, ouvrant la voie de la justice civile aux détenus de Guantanamo, permettrait le report du jugement. Mais M. Robertson a rappelé que le texte du Congrès créant les «commissions militaires» en 2006 garantissait aux parties la possibilité de faire appel, devant une cour d'appel fédérale, à Washington, du jugement rendu à Guantanamo. Les avocats de la défense, qui dénoncent un procès «injuste» et «malhonnête», ont déjà annoncé qu'ils feraient appel. Pour eux, Salim Hamdan a certes été le chauffeur de Ben Laden mais sans être impliqué dans aucun projet terroriste. Lors d'une série d'audiences préliminaires cette semaine, ils n'ont eu de cesse de rappeler que leur client avait été soumis à des violences pendant sa détention et que les charges retenues contre lui provenaient de déclarations obtenues sous la contrainte. Selon des documents révélés par la défense, M. Hamdan a notamment subi des privations de sommeil, réveillé toutes les heures par ses gardiens pendant 50 jours en 2003. Il est de fait apparu cette semaine aux journalistes américains présents sur place affaibli par de fortes douleurs dans le dos et hagard. Il s'est plaint de mauvais traitements, notamment d'avoir été humilié par une femme lors d'un interrogatoire. Une des questions principales de ce procès sera de savoir si, dans ces conditions, la plupart des «preuves» fournies par l'accusation sont recevables. Par ailleurs, selon le témoignage entendu mercredi d'un ancien agent du FBI, l'accusé a fourni en Afghanistan de nombreux renseignements aux militaires dans leur recherche de Ben Laden fin 2001. Créées au lendemain des attentats du 11 septembre, les «commissions militaires» constituées en tribunaux d'exception pour juger des «crimes de guerre» ont été invalidées en 2006 par la Cour suprême américaine, sur un recours des avocats de M. Hamdan. Ces tribunaux ont été rétablis quelques mois plus tard par le Congrès mais ont depuis essuyé une série de revers qui n'ont cessé de repousser l'ouverture de ce procès et peut-être d'autres à venir.