Ce tribunal, sur la base militaire américaine de Guantanamo, à Cuba, a été expressément construit pour juger ceux que les Etats-Unis qualifient de «combattants ennemis». La salle d'audience dans laquelle se déroule le procès de Salim Hamdan, chauffeur et garde du corps de Ben Laden est petite et sans fenêtre. Elle est aussi démontable. Ce tribunal, sur la base militaire américaine de Guantanamo, à Cuba, a été expressément construit pour juger ceux que les Etats-Unis qualifient de «combattants ennemis». Le procès pour crime de guerre, qui devrait durer 15 jours, se déroule devant une commission militaire d'exception, la première du genre depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. L'accusé, Salim Hamdan, a décidé à l'ouverture de son procès depuis hier, de plaider «non coupable». Dans le cadre de cette juridiction, réclamée par George W.Bush après les attentats du 11 septembre 2001, les 13 jurés sont tous des militaires. Il faut une majorité des deux tiers pour une condamnation, et c'est ce même jury qui détermine la sentence. Qu'il soit condamné ou non, l'accusé pourrait rester en prison, son statut actuel de «combattant ennemi» ne lui permettant pas d'être relâché. Vendu aux autorités américaines, fin 2001, par des chefs de guerre afghans, Salim Hamdan, un Yéménite âgé d'une trentaine d'années, comparaît pour «complot» et «soutien matériel au terrorisme». Il aurait, selon l'accusation, suivi des entraînements dans les camps d'Al Qaîda et livré des armes et des munitions à travers le pays. Pour ses avocats, M.Hamdan était un simple employé de Ben Laden, une sorte d'homme à tout faire. Il n'aurait jamais participé à des actions terroristes, plaident ses avocats. Selon un agent du FBI, Salim Hamdan aurait avoué qu'il était au courant, à l'époque, de l'implication du chef d'Al Qaîda dans les attentats du 11 septembre, et qu'il l'aurait aidé à s'échapper. La défense dispute la validité de ces témoignages ainsi que la constitutionnalité et la légalité de la justice militaire mise en place à Cuba. L'histoire de cette juridiction controversée est, d'ores et déjà, épique. En créant cette cour inédite à Guantanamo, sans l'aval du Congrès, George W.Bush espérait juger rapidement les terroristes présumés. Or, en juin 2006, suite à une plainte déposée par les avocats de M.Hamdan, la Cour suprême des Etats-Unis avait adressé un sérieux camouflet au «commandant en chef», jugeant que ces tribunaux d'exception violent les lois américaines et la Convention de Genève sur les prisonniers de guerre. Quelques mois plus tard, le Congrès avait pourtant rétabli les pouvoirs de cette juridiction spéciale, en interdisant néanmoins l'usage de témoignages obtenus sous la torture. En 2005, le Congrès avait interdit «les traitements cruels, inhumains ou dégradants», mais les témoignages obtenus avant cette date sous la contrainte peuvent servir de preuve si le juge les considère utiles et fiables. Les avocats de Salim Hamdan comptent attaquer ce point. Ils ont, d'ores et déjà, annoncé qu'ils feraient appel si leur client est condamné. Selon des documents révélés par l'accusation, M.Hamdan a, notamment subi des privations de sommeil, réveillé toutes les heures par ses gardiens pendant 50 jours en 2003, et s'est plaint de son isolement et d'avoir été humilié par une femme soldat. Une récente décision de la Cour suprême va aussi dans le sens de la défense. Le 12 juin, la plus haute juridiction américaine a affirmé que les détenus de Guantanamo bénéficiaient de droits constitutionnels et pouvaient saisir la justice civile. Un procès à suivre de près, d'autant qu'il est considéré comme une phase de test pour la justice américaine avant celui de Khaled Cheikh Mohammed, un des «cerveaux» présumés du 11 septembre.