Résumé de la 19e partie n Hannah se jette à l'eau et prend le sens du vent — vers la rive opposée — pour tromper Jeffrey... Je m'appliquai à calmer le rythme de ma respiration. Je ne paniquerais pas, je ne pouvais pas me permettre de paniquer. Je remuais bras et jambes, juste assez pour flotter et ne pas me laisser envahir par le froid, attentive à économiser chaque once d'énergie, en laissant les vagues et le vent travailler pour moi. J'avais perdu toute conscience du temps et de l'espace et toute conscience tout court lorsque mes pieds raclèrent la vase et que, moitié rampant et moitié trébuchant, je me retrouvai enfin hors de l'eau sur la rive opposée à la cabane, dans une nuit d'encre. J'appris quelque chose à propos de la laine, cette nuit-là. Même mouillée, elle vous tient encore chaud. Je ne sais combien de temps je restai ainsi, écroulée sur un lit de vase, d'herbe et de roseaux, avant de reprendre haleine et de repartir, poussée par le froid. Quand je parvins enfin à me relever, je regardai autour de moi. Derrière, ce n'était qu'un enchevêtrement de végétation où le regard ne pénétrait pas. Je n'eus pas à scruter longtemps pour comprendre que si je m'y enfonçais, je disparaîtrais à jamais. Jeffrey avait parlé de mille hectares de forêt sauvage, inhabitée. Je pouvais renoncer à tout espoir d'y rencontrer une maison ou une voiture. Je n'avais aucun sens de l'orientation en plein jour et en terrain connu, de nuit, et dans une forêt inconnue, j'étais condamnée à tourner en rond et à mourir de froid et d'épuisement. Il n'y avait qu'une chose à faire : contourner l'étang en m'éloignant le moins possible du bord, en direction de la route qui passait quelque part à l'est de la cabane de Jeffrey. Mais qu'arriverait-il si je manquais cette route et me retrouvais à proximité de la cabane ? Et même si je trouvais cette route sans tomber sur Jeffrey, que ferais-je ensuite ? A quel moment avions-nous bifurqué pour rejoindre la cabane ? Et de quel côté se trouvait le village ? Pour un peu, je me serais mise à rire tout haut. Je me croyais donc capable d'aller jusqu'à ce village, seule, à pied ? Je ne sais combien de temps je restai là, à grelotter, avant d'apercevoir de la lumière. Ce ne fut pas mon cerveau, cette fois, qui me fit bondir sur mes pieds et foncer le long de la berge à travers les roseaux mais, dans ce mouvement, ses cellules anesthésiées ne tardèrent pas à se ranimer. Peter Blake était là ! Mais bien sûr ! Il n'avait pas eu besoin d'aller jusqu'à Hampstead pour prendre des nouvelles de sa mère. Il lui suffisait de se rendre à Fairnham, à une quinzaine de kilomètres de là, et de téléphoner. Et, comprenant la ruse dont il avait été victime, il était revenu. Il était revenu parce qu'il avait vu la blessure de mon dos et ma peur, et qu'il connaissait Jeffrey. Peter Blake était là, dans sa cabane et, dès que je l'aurais rejoint, j'y serais aussi bien que chez moi. (à suivre...)