Réflexion n Aux Etats-Unis d'Afrique est un roman inaccoutumé notamment de par le contenu narratif. C'est un roman exceptionnel. Ecrit par l'écrivain djiboutien Abdourahmane Waberi – l'auteur vit en Normandie où il enseigne l'anglais –, le roman, d'abord paru aux éditions françaises Jean-Claude Lattès en 2006, puis récemment aux éditions algériennes Chihab (2008), raconte une Afrique riche, moderne et prospère où les Etats, motivés et dirigés par des consciences éclairées, sont organisés en une florissante fédération – celle-ci est semblable, à quelque différence près, à l'organisation de l'Union européenne. Par opposition à la fédération des Etats-Unis d'Afrique, il y a l'Euramérique (l'Occident), un monde pauvre et arriéré, ravagé par les guerres civiles, la faim et les endémies. Dans cette géographie recomposée, où l'ordre international, régissant les rapports Nord-Sud, est renversé, voire inversé, l'Afrique devient la terre promise des millions de réfugiés euraméricains qui, «pauvres rebuts de l'humanité», se pressent pour échouer sur les plages africaines, comme celles d'Alger ou de Djerba, l'auteur tisse sa trame, certes fictive, mais qui semble évidente. Aux Etats-Unis d'Afrique est aussi l'histoire de Maya qui, enfant, a été arrachée à la misère et à la faim par un homme providentiel, Docteur Papa (un Africain bien évidemment), alors en mission humanitaire en Normandie. Il l'adopte et l'emmène avec lui à Asmara en Erythrée. Ce roman raconte l'histoire de Maya, histoire faite de bonheur, d'amour et surtout d'attachement, puisqu'elle ne peut oublier les siens. Un jour, elle entame un retour aux sources, un long et douloureux périple loin d'une Afrique clémente et accueillante vers une terre sombre et désolée, celle qui l'a vu naître. Elle retrouve l'Europe, ses maux et ses désespoirs. Aux Etats-Unis d'Afrique est un roman étonnant et déroutant. Le lecteur est d'ailleurs désarçonné, parce que ses repères sont bouleversés, intervertis – les valeurs auxquelles nous sommes habitués depuis si longtemps, que nous soyons du Nord ou du Sud, valeurs créées et imposées par l'imaginaire des uns comme par celui des autres, sont décomposées, complètement pulvérisées de manière à en créer d'autres. C'est dire aussi que la vie est une organisation cyclique. Autrement dit, ce roman, qui a un côté pédagogique, puisqu'il fait réfléchir sur les rapports actuels existants entre le Nord et le Sud, rapports déterminant la nature de leurs frontières, cherche à démontrer que la modernité, le progrès et la prospérité ne sont pas propres à l'Occident. Ces rapports sont réversibles. Se lisant comme un conte philosophique moderne, voire comme une réflexion politique, le roman, parfois sarcastique, casse « les déterminismes figés et le regard monolithique sur l'Afrique – Si l'Afrique occupe aujourd'hui une place périphérique, elle peut demain devenir le Centre, voire le Monde.» Enfin, Aux Etats-Unis d'Afrique fait rêver le continent africain – il lui crée de l'espoir – d'une possible reconsidération de son africanité.