Destin n Chacun prie Dieu de lui donner la meilleure part dans la vie. Le 15e jour du mois musulman, Chaâbane, dans la tradition algérienne, correspond à qassâm larzâq, le partage des destins. Selon la croyance, c'est ce jour-là que Dieu décide du sort de ses créatures, qu'il leur indique le chemin qu'elles devront suivre, si elles seront riches ou pauvres, si elles vivront longtemps ou pas… Pour les personnes pieuses, c'est jour de jeûne. On cherche, ce jour-là, par des invocations, à obtenir les faveurs de Dieu. Les plus humbles, aussi, demandent à Dieu d'alléger leur misère, et, pourquoi pas, de leur donner la meilleur part dans la vie. Dans ce petit village, vit justement une veuve et ses trois enfants, une fille et deux garçons dont l'aîné a tout juste quatorze ans. Après la mort du père, la veuve et les orphelins, expulsés de la maison familiale, vivent dans une vieille maison abandonnée. Le fils aîné, Larbi, se loue comme berger, et sa mère travaille dans les champs ou tisse des burnous. Ils ont à peine de quoi vivre, mais ils tiennent à leur bien le plus précieux : une terre que leur défunt père a achetée peu avant sa mort. La famille a été dépouillée de l'héritage familial par les oncles, mais cette terre, ils n'ont pas réussi à la prendre ! Comme le terrain est bien situé, beaucoup voudraient l'acheter et les prix proposés à la mère sont intéressants. — Sur cette terre, dit la mère, je construirai une maison ! On se moque d'elle. — Mais pour construire, il faut de l'argent ! — J'ai deux fils, ils travailleront… — Tes fils sont jeunes. L'aîné n'a que quatorze ans et le cadet six ! — Ils vont grandir… La misère n'est pas éternelle ! Mais revenons à qassâm larzâq. La mère, Yamina, comme d'habitude, jeûne. — Tu jeûnes ? dit Larbi à sa mère. — Oui, dit-elle. — Attends au moins le ramadan ! — Le jeûne du ramadan a son temps, celui de qassem larzâq, le sien… Le jeune homme va dans la petite pièce qui sert de cuisine et jette un coup d'œil sur le petit réduit en maçonnerie qui sert de garde-manger. Il ne reste plus qu'un morceau de galette et, dans une écuelle, un peu de couscous. Cela, comme c'est souvent le cas, ne suffira pas aux quatre membres de la famille qui vont s'asseoir autour de la table. Et la mère qui a jeûné ! Que va-t-elle manger ? Alors, il décide de ne rien manger. Il appelle sa sœur. — Je vais garder les moutons ! — Tu dois prendre à manger… Il y a un morceau de galette ! — Non, donne-le au petit. — Il y a aussi du couscous… — Garde-le pour la mère. Elle jeûne ! — Mais toi… — Je peux supporter la faim ! (à suivre...)