Résumé de la 1re partie La grand-mère de Dick habite à l?Est. Sa fille et son petit-fils à l?Ouest. Deux fois par an la famille se retrouve chez la grand-mère. La grand-mère de l?Est se tait un moment, elle fixe le regard fuyant de sa fille, puis enchaîne : «Et tu as l?air heureuse, délivrée. Donc tu sais qu?il est mort?» Elle regarde son petit-fils avec la même intensité. «Et Dick aussi le sait. Il n?a jamais souri autant de sa vie?» Andrea Locnig, soixante-douze ans, la grand-mère de l?Est, vient d?ouvrir elle-même la première page de cette histoire vraie. Une histoire vraie sur fond de drogue et de mur de Berlin, décor sinistre s?il en est. Elsa Traum et son fils unique, Dick Traum, regardent avec terreur la grand-mère Andrea. Où veut-elle en venir ? Que sait-elle ? La vieille dame range soigneusement les gâteaux venus de l?Ouest dans une boîte en fer. Puis elle s?installe dans son vieux fauteuil de cuir, et un chat énorme, noir comme le diable, lui saute sur les genoux. Elle prend son temps. Elle a dit ce qu?elle avait à dire. Ce qu?elle suppose depuis des mois. Elle n?a jamais débordé d?affection pour son gendre, ce colosse incapable d?avaler de la bière sans tomber sur sa femme et son gosse à bras raccourcis. Peter Traum ressemblait à son fils, grand, roux et l??il bleu. A cette seule différence que, chez lui, l??il bleu était autoritaire, les cheveux et la barbe rousses drus et indisciplinés. A jeun, c?était un homme supportable, si l?on exceptait son attitude envers son fils. Il le traitait de raté, d?imbécile, de chiffe molle, et les injures pleuvaient autant que les coups. Il y avait des raisons à cela : un fils qui se drogue, rate ses examens et se fait renvoyer de tous ses emplois. Mais ce n?était pas la bonne manière de régler le problème. Dick se réfugiait chez sa mère, laquelle lui pardonnait tout. Ils mentaient tous les deux, sur tout, même les choses les plus graves. Mais le jour où l?on a retrouvé Dick, mort cliniquement d?une «surdose» à côté d?une fillette de quatorze ans, ils n?ont pas pu mentir. La fillette était morte, et Dick a été ranimé in extremis. Après trois mois de cure de désintoxication, il a trouvé du travail comme mécanicien, et sa première paie fut une nouvelle dose d?héroïne, avec cette fois un jeune camarade de vingt-deux ans. En le voyant mort dans ce terrain vague, la seringue plantée dans son bras, Dick s?était enfui et réfugié dans les jupons de sa mère. La police avait eu bien du mal à l?en extirper, pour le conduire en prison. Et le père avait recommencé à cogner dès sa libération. Chacun sa méthode, aussi inefficace l?une que l?autre. C?est à cela que réfléchit la grand-mère, en caressant l?énorme chat noir qui ronronne sur ses genoux, en regardant sa fille qui ne lui ressemble pas. Aussi fade qu?elle a du caractère, son petit-fils aussi laid qu?elle était belle à son âge? «Alors ? Nous disions que Peter était mort? J?écoute ?» Dick serre les poings autour des épaules de sa mère, comme pour la protéger. «Tu n?as pas le droit de dire ça, grand-mère. Tu vois bien que tu fais de la peine à maman? ? De la peine ? Laisse-moi rire. Je parie que depuis six mois, vous menez tous les deux une petite vie de rêve, hein ? Le grand méchant loup n?est plus là pour te botter les fesses ! ça doit valser, l?argent, valser, les seringues ! montre-moi ton bras si tu l?oses ? Allez ? viens là?» Dick recule et bafouille : «J?en ai besoin de temps en temps ; on ne peut pas s?arrêter comme ça. ? Bien sûr. Il faut aller à l?hôpital pour ça, et tu n?y vas pas, bien entendu. Et ta mère te laisse faire, bien entendu.»(à suivre...)