"Formules" Devant la léthargie qui s?est emparée du consommateur, le système n?a jamais manqué d?imagination pour fouetter les ardeurs des ménages. «L?argent ne fait pas le bonheur». Si c?est le cas, alors rendez-le. L?équation paraît simple tout de même, mais par les temps qui courent l?adage ne veut plus dire grand-chose et le discours moralisateur devient caduc. Devant un pouvoir d?achat en perpétuelle érosion et un marché plein à exploser de nouveautés, le parodoxe a atteint son paroxysme. Rien qu?à voir la myriade de magasins spécialisés dans la vente de l?électroménager et autres accessoires qui font le bonheur des ménages, il y a de quoi se poser mille et une questions. Mais il semble que la plus pertinente est celle qui tourne autour du phénomène de la consommation. En effet, l?Algérien est-il un véritable consommateur ? Cantonné depuis des lustres dans le moule d?une économie dirigiste, l?Algérien s?est longtemps contenté de ses yeux pour satisfaire son ego. Non pas par absence du pouvoir d?achat, mais bien à cause d?une idée stupide qui voulait que tous ceux qui achetaient des produits fabriqués en Occident étaient des pro-impérialistes. C?était l?époque des non alignés, des mouvements révolutionnaires de? Ben Bella puis de Boumediene. On ne nous servait que ce que les maîtres de l?époque voulaient bien autoriser. L?argent il y en avait, à telle enseigne que le dinar «concurrençait» les devises fortes. Puis vinrent les années 1980. La boîte de Pandore s?ouvrit. Un déluge de produits «made in» s?abat sur les Algériens qui, dans une course frénétique, raflent tout ce qu?ils trouvent sur leur chemin. Bananes, kiwis, pommes Golden, cuisinières de marques prestigieuses ainsi que des machines à laver et autres objets tant admirés. Des marchés entiers voient le jour, comme par enchantement. L?époque dite el-infitah est bien là. On ne jure que par les grandes marques. Le phénomène de la parabole accentue cette boulimie. Entre les ménages, la concurrence est rude. On exhibe et on montre avec fierté les dernières acquisitions. Il y a même de l?électricité dans l?air. Entre les couples, c?est la dépression. Les tribunaux ne désemplissent plus. Les cas de divorce se multiplient tout autant que les causes. L?Algérien perd la tête. Tel un cheval sevré, une fois les rênes lâchées, il détale dans une course à tombeau ouvert. Achats, achats, un mot érigé en sport national. El-Hamiz, Dubaï à Sétif, Tébessa? deviennent la mecque des ménages. Chargés à n?en plus supporter, rien n?est assez lourd pour épater ses voisins et ses proches. Les bazars se multiplient dans les centres villes, devenant ainsi une attraction incontournable pour les citoyens qui n?en croient pas leurs yeux. La paie ne suffit plus alors on se met à emprunter. Le cercle infernal s?ouvre petit à petit sur les petites bourses avant de se refermer plongeant ainsi les petites gens dans une spirale infernale. C?est l?économie de marché, dit-on. Le fossé se creuse. Les nouveaux riches étalent avec ostentation leurs signes extérieurs de richesses, tandis que de l?autre côté de la barrière on arrive à peine à réaliser le désastre. C?est le décor des années 1980. Puis c?est l?accalmie. Les marchés se vident, le pouvoir d?achat s?effrite, le chômage bat son plein, l?argent devient de plus en plus rare. Le temps de la disette a sonné. Les gens n?ont plus la possibilité de payer cash. Les commerçants s?inquiètent. C?est la débandade. L?Etat, lui, se reconstruit après une période de déliquescence. Les années 1990, d?autres lois, une autre époque, d?autres subterfuges pour appâter le consommateur. Facilités de paiement, crédit vente, ventes promotionnelles? Le système lance une armada de produits pour relancer l?économie et encourager la consommation. Le scénario des années 1980 est revisité. Les prémices d?une nouvelle tension pointent le nez. L?achat à crédit est redécouvert, version algérienne. Le coup de starter est donné et la machine s?emballe. Drôle d?époque, vraiment.