Les lois sur le harcèlement existent. Il faut juste les connaître et surtout les appliquer. Lors de la journée d?étude organisée par la commission des femmes travailleuses, qui s?est déroulée hier à El-Achour, Me Ben Brahem s?est longuement étalée sur la question. Elle a tenu un discours très optimiste rappelant que les lois existent et que ce sont les hommes qui refusent de les appliquer. «Aujourd?hui, il y a des femmes puissantes dans le système judiciaire et nous comptons sur elles pour faire appliquer ces lois», affirme-t-elle, tout en indiquant qu?il est préférable de parler «d?attentat à la pudeur» que de harcèlement sexuel pour espérer remporter un procès. La Constitution algérienne est très riche, elle contient une série de textes auxquels il faut prêter beaucoup d?attention et de réflexion, car ce sont «nos seules armes dans ce combat complexe». Pour Me Ben Brahem, il est préférable d?évoquer le harcèlement comme étant une forme de «violence physique et morale», s?appuyant sur les textes fondamentaux qui exigent le respect de la personne humaine. «Ces articles condamnent l?atteinte à la dignité, à l?honneur, donc tout citoyen, y compris les femmes, a le droit de se rapprocher d?un tribunal, de déposer plainte et d?attendre que sa demande soit étudiée et qu?on statue sur son droit.» L?oratrice explique qu?il faudrait axer les efforts sur ces articles, car le texte fondamental l?exige et ce n?est qu?à partir de cette plate-forme idéo-juridique qu?on peut envisager une loi qui condamne le harcèlement. Pour illustrer ses dires, Me Ben Brahem raconte une affaire récente qu?elle a traitée et ce la cour d?Alger. Une jeune secrétaire, âgée d?une trentaine d?années, sortait avec son directeur, celui-ci, qui jouait à l?amoureux, lui a même promis de l?épouser. La pauvre jeune fille découvre, par hasard, que son prétendant était un homme marié. Ahurie et blessée, elle décide de mettre un terme à cette relation. Cette secrétaire, qui a eu des relations sexuelles avec son amoureux, ignorait que ce dernier la photographiait dans des positions compromettantes. Refusant la rupture, il lui fait subir un chantage : tous les matins, elle trouvait une enveloppe déposée sur la voiture de l?un de ses collègues, qui contenait des photos d?elle dans des positions gênantes. «Lorsqu?elle est venue me voir, elle pesait 30 kg ! Son frère l?accompagnait. La pauvre au départ a eu peur de la réaction de ses parents, mais lorsqu?elle a eu le courage d?en parler, sa famille l?a soutenue et obligée à déposer plainte.» Ben Brahem précise qu?établir une preuve «concrète» a été rude, mais l?avocat doit trouver les moyens de défendre sa cliente. «Nous avons imaginé un scénario. La jeune fille a invité son responsable et lui a demandé de reprendre à condition qu?il lui donne toutes les photos. Ils se sont rencontrés dans un hôtel et nous étions présents avec la police, ce n?est que là que nous avions pu attraper le harceleur en flagrant délit, l?enveloppe à la main ! Généralement, ce sont des hommes vicieux et intelligents, qui prennent leurs précautions.» Notre oratrice affirme qu?elle a «joué» sur la loi 284 du Code pénal qui stipule : «Quiconque menace par écrits anonymes ou signes, images, symboles ou emblème, d?assassinat, d?emprisonnement ou de tout autre atteinte à la personne, serait passible de la peine de mort ou de la réclusion perpétuelle. Dans le cas où la menace serait faite avec ordre de déposer une somme d?argent dans un lieu indiqué ou de remplir toute autre condition, il est puni d?un emprisonnement de 2 à 10 ans et d?une amende de 700 à 5000 DA.» La sanction peut être criminelle, le coupable peut être même frappé de 5 ans ou plus d?interdiction de bénéficier de plusieurs droits mentionnés à l?article 14 et de l?interdiction de séjour. Le directeur a été condamné à 18 mois de prison, 20 000 DA d?amende et à 80 000 DA de dommages.