Interdit Même dans les temples du savoir, le harcèlement est un tabou. Bahia n?est pas une «bombe latino»,comme on dit, mais c?est une jeune étudiante ordinaire et qui s?habille sobrement. Elancée avec des cheveux courts, les filles n?ont rien à lui envier. Pourtant elle a refait sa troisième année d?étude parce qu?elle a refusé de céder au chantage qu?elle a subi de la part de son professeur. «Il devait revoir la correction de ma copie d?examen. Il m?a demandé de l?attendre le même jour à 17 h dans son bureau, raconte-t-elle. J?ai fait les cent pas dans ma chambre universitaire. Désemparée et embarrassée, j?avais le c?ur serré, car cet enseignant a la réputation de recourir au chantage sexuel pour faire passer les étudiantes qui l?intéressaient. Finalement je me suis rendue à son bureau, mais je n?ai pas pu attendre jusqu?à 17 h, je suis revenue sur mes pas décidé à refaire mon année». Bahia a refait son année, elle confie que même si elle a perdu une année, elle ne regrette pas son choix. «Cette forme de chantage existe au sein de nos universités, plusieurs de mes camardes en souffrent, certaines cèdent et d?autres résistent et l?assument péniblement. Car si l?enseignant a le bras long, il leur ferme toutes les portes. À qui se plaindre, et qui vous croira ? C?est loin d?être le problème de l?administration. Ils se connaissent et souvent ce sont des complices. !». Plusieurs étudiantes ont été et sont encore victimes de ces abus de confiance et de ce chantage sexuel. Des professeurs qui donnent de bonnes notes et qui parfois facilitent même les démarches administratives pour certaines étudiantes, celles qui sont prêtes à aller plus loin. «Nous les reconnaissons, elles ne sont jamais en classe, c?est très rare de les voir, pourtant sans passer les examens, elles ont les modules en poche». Avec la complicité de certains agents exerçant au sein de l?administration, ces enseignants se permettent tout, travaillent en toute quiétude et ne sont jamais gênés ou inquiétés. Faïza, une autre étudiante raconte que durant sa deuxième année universitaire l?un de ses enseignants lui a fait une proposition déplacée. «Nous étions trois, notre professeur de philos nous a interpellées en classe, il nous a fait comprendre qu?on devait céder à son chantage sinon, il ferait tout pour s?opposer à notre passage. Je n?ai pas cédé, mais je ne sais pas ce que les autres filles ont fait. En tout cas, moi j?ai fait intervenir quelqu?un d?influent qui a pu le remettre à sa place. Ce professeur a une sale réputation, les étudiantes le craignent et il peut tout faire.». Le harcèlement sexuel même dans les milieux universitaires, dans ce temple du savoir, est un tabou. En parler sous-entend la honte et le mépris.