Qualité n Ce qui donne à un produit artisanal toute sa valeur, c'est le fait d'être confectionné entièrement à la main dans le strict respect d'un processus de fabrication séculaire. Selon les tapissières d'Ath-Hicham, le tapis local a subi, au fil des temps, des modifications. il s'agit essentiellement du remplacement de la matière première qui est la laine – de nos jours rares et excessivement chère – par le fil synthétique. En effet, le fil à tisser était pratiquement produit par la femme qui récupère la laine, la nettoie, la lave, la carde avec aqardach (cardes) pour la rendre plus malléable et ainsi pouvoir ensuite la filer. Ces fils de laine sont teints avec des produits naturels. Il s'agit de teintures végétales. Aujourd'hui cette première étape dans le processus de fabrication d'un tapis est presque perdue. Après avoir remplacé les colorants végétaux par des chimiques, qui, de l'avis de nos interlocutrices ne valaient pas en qualité les produits naturels, c'est au tour de la laine de céder sa place à la fibre synthétique prête à l'emploi. Aujourd'hui les tapissières achètent la pelote à raison de 500 DA le kg dans toutes les couleurs désirées. «cela nous épargne le travail de préparation de la laine qui est épuisant, mais rien ne vaut la véritable laine qui est plus douce que la fibre synthétique», nous dit une tapissière. Le tapis pure laine est toutefois produit à Ath Hicham, mais à la demande du client qui est prêt à en payer le prix.Un prix qui peut aller jusqu'à 30 000 DA. Selon les exposantes, le tapis de 4 mètres qui est d'ailleurs rarement produit de nos jours, sauf pour les mariées et qui est réalisé dans le strict respect des motifs et des couleurs du tapis ancien, coûte 18 000 dinars. Quand celui-ci est accompagné de deux oreillers et de descentes de lit, son prix grimpe jusqu'à 30 000 DA. D'autres tapis à rayures sont également disponibles et coûtent 10 000 DA ils sont réalisés avec de la fibre synthétique ou un mélange de laine et de fibre. Un autre changement qui est intervenu sur le tapis est l'introduction de couleurs qui n'étaient pas utilisées par les artisans kabyles. En effet, tout comme l'émail – vert, bleu et jaune – est une nouvelle création dans le bijou kabyle qui était dans le passé réalisé avec de l'argent ciselé serti de coraux, le tapis s'est vu, lui aussi, introduire le bleu et le vert. Selon un habitant ce sont les étrangers et notamment les diplomates qui sont à l'origine de l'introduction de ces nouvelles couleurs. «Les représentants des ambassades dont celles de l'Allemagne et du Burkina Faso, venaient dans la région pour se procurer le tapis d'Ath Hicham. Si au départ, ils se contentaient de choisir ce qui était disponible, par la suite ils se sont mis à passer des commandes en suggérant aux femmes l'utilisation de nouvelles couleurs.» Il faut dire que même le métier à tisser n'est plus celui fabriqué localement. Ces modifications ne sont pas appréciées par les vieilles tapissières. Selon Tasaâdit «le tapis synthétique est de mauvaise qualité, mais que voulez-vous, la laine coûte très cher et nous avons du mal à trouver des acheteurs alors que dans le passé les étrangers s'arrachaient nos produits, aujourd'hui il n'y a que les mariées qui achètent nos tapis et dire que lorsque mon mari est tombé au champ d'honneur durant la guerre de libération, j'ai pu nourrir mes deux enfants grâce au tissage», notre interlocutrice nous informe qu'elle est prête, avec les autres tapissières, à produire l'authentique tapis traditionnel pour peu que «l'Etat nous aide en subventionnant l'achat de la laine et en nous versant une subvention pour pouvoir acheter nos médicaments car nous ne sommes pas assurées puisque nous ne disposons pas de cartes d'artisans». En effet, au lieu de leur procurer des métiers à tisser, il serait plus judicieux, par soucis de préserver le label du Tapis d'Ath Hicham, de subventionner l'achat de la matière première et, parallèlement, œuvrer pour la relance du secteur du tourisme.