Suggestion Le gardien d?El-Katara parle à Nacer de son fils qui a acheté un visa et est parti au Canada, lui proposant de l?imiter. Nacer se met à rêver... Il passe tout l?après-midi assis sur le rocher. Le vieil homme est parti depuis longtemps, quand deux femmes descendent à leur tour les marches inégales d?El- Katara... Nacer les observe à la dérobée quand elles allument les bougies dans le trou. Elles se rafraîchissent longuement avec «l?eau au pouvoir magique», et prennent place sur la grande pierre plate. - Tu veux des «bradj», mon fils ? lui demande la plus âgée. - Oui, avec plaisir ! Elle lui en tend quelques-uns, qu?il va déguster à sa place, en tournant le dos à ses voisines. «Le Canada? le Canada, si je pouvais acheter le visa» Il passa tout l?après-midi sur le rocher. La vue est extraordinaire. Sur sa gauche, baignée du soleil printanier, il aperçoit la baie de la Caroube, et les petites plages qui se succèdent : Aïn Achir, la Grande bleue, et le pic de Ras el-Hamra? Le moment incite au voyage, et Nacer, rêveur, ne voit pas le temps passer. La nuit est tombée depuis longtemps quand enfin, il se lève et se dirige vers Saint-Cloud, à pas lents. Les passants sont rares sur le boulevard. «Je vais aller passer la nuit chez khalti Beya... et demain je rentrerai chez moi...» A ce moment-là, une idée jaillit dans son esprit. «Et si je lui demandais de me prêter l?argent pour le visa... Elle en a beaucoup... sa fille lui envoie des devises chaque mois.» Il est dix heures environ, quand Nacer sonne à la porte de la petite villa. Des voix d?enfants lui parviennent et la porte s?ouvre. C?est Tarek, le fils de sa cousine, âgé de quatorze ans, qui lui fait un grand sourire. ? Nacer ! Tu es venu ? ? Mama ! c?est Nacer ! La grand-mère, une forte femme portant des lunettes, trottine dans le couloir, lève la tête vers Nacer, et lui dit : ? Nacer ! tu viens bien tard, où étais-tu ?? Bonsoir d?abord. Nacer se baisse pour embrasser la vieille dame sur les joues et répond : ? Je suis venu avec un ami, mais sa voiture est tombée en panne, alors? j?ai pensé passer la nuit ici. La femme a un moment d?hésitation. Elle le regarde longuement de ses petits yeux et lui répond presque à regrets : ? C?est bon ! ? tu dormiras ici... Je vais te réchauffer un peu de mloukhia ! Viens dans la cuisine. Les six enfants de sa cousine l?entourent et le regardent manger. ? Allez vous coucher ! Allez ! ordonne la grand-mère, en déposant devant Nacer une assiette de salade. Les enfants, en se bousculant, au milieu des rires et des cris obéissent, même Fifi, âgée de trois ans, suit ses aînés en se dandinant, sa petite poupée dans ses bras. ? Ils sont si turbulents, ces enfants ! Ils me fatiguent trop ! Je dois les laver, les habiller, les nourrir... ? Mais tu as une femme de ménage, khalti ! ? Oui, mais tu connais les filles d?aujourd?hui !? Enfin !(à suivre...)