Il était ce qu'il en était. — Que la paix et l'abondance soient sur toi ! — Notre chambre est en soie, votre chambre est en lin et la chambre de l'ennemi est un nid de souris. Messieurs et nobles Seigneurs, que nous soyons guidés, que vous soyez guidés sur la voie du bien et de la foi. Un homme avait sept femmes. Un jour, il acheta sept pommes, en donna six aux premières épouses et partagea la dernière avec sa septième femme. Un peu plus tard, elles tombèrent toutes enceintes. Les six premières femmes eurent six beaux garçons en bonne santé et la septième n'eut qu'une moitié d'être humain avec la moitié d'une tête, un seul œil, une seule oreille, une moitié de nez, une moitié de bouche, un seul bras, une seule jambe. Que Dieu nous protège ! Elle pleura longtemps sa malchance puis eut pitié de cette petite créature, l'enveloppa de ses bras et dit : «C'est ce que Dieu m'a donné, je dois l'accepter et en prendre soin.» L'étrange petit être grandit avec ses six frères qui se moquaient de lui et l'appelaient Demi-poussin. Un jour, ils dirent à leur père : — Nous voulons voyager pour nous instruire. Il accepta leur idée et acheta à chacun un cheval. Chacune des six mères prépara des provisions pour son fils. A son tour, Demi-poussin dit à sa mère : — Moi aussi, je veux partir avec eux. — Non ! tu ne peux pas ! reste avec moi, lui dit-elle. Il s'entêta : — Impossible ! je dois partir ! Elle pleura, le supplia puis se résigna et lui demanda : — Qu'est ce que tu vas monter ? Il lui répondit : — Je vais prendre le bélier de mon grand-père. Il alla le chercher, monta dessus en s'agrippant aux cornes et partit rejoindre ses frères. Il les trouva sous un grand palmier, affamés, mais ne pouvant grimper pour cueillir les dattes. Dès qu'ils le virent, ils s'exclamèrent : — Ah ! le voilà ! l'un de nous va monter sur son cheval et te porter sur ses épaules jusqu'à ce que tu atteignes le cœur du palmier et que tu puisses nous cueillir quelques dattes. Il accepta et, une fois en haut, cueillit les meilleures dattes, les mangea et, les moins mûres, il les jeta à ses frères. Ces derniers, écœurés et furieux, décidèrent de partir et de le laisser coincé au faîte du palmier. Se retrouvant seul, Demi-poussin se dit : «Je vais cracher, et si mon crachat tombe sur le dos du bélier de grand-père, cela veut dire que je peux sauter du haut de l'arbre sans risque, si mon crachat tombe à côté, je me casserai le cou.» Il cracha et ce fut pile sur le dos du bélier, il se laissa donc tomber et se retrouva assis convenablement. Il s'accrocha à ses cornes et le fit courir. Il rejoignit très vite ses frères qui étaient épuisés et assoiffés près d'un puits. Ils lui dirent : — Demi-poussin, viens, nous allons t'attacher avec cette corde et te descendre au fond du puits où tu iras nous chercher de l'eau. Il leur dit : — Oui, à condition que vous donniez le premier seau à mon bélier. Ils acceptèrent, le firent descendre, il remplit le premier seau, ses frères le retirèrent et, comme convenu, le donnèrent au bélier qui le but en entier. lIs renvoyèrent le seau vide à Demi-poussin qui le remplit à nouveau, but, se lava puis urina dedans, et leur fit signe de le retirer. Ils le remontèrent et sentirent une odeur d'urine, ils se mirent en colère, coupèrent la corde qui tenait Demi-poussin, enfourchèrent leurs chevaux et s'enfuirent. Resté au fond du puits, Demi-poussin réfléchit un moment puis dit : — O cornes du bélier de grand-père soyez plus longues, ô puits sois moins profond ! (à suivre...)