Affluence n Vingt minutes après le f'tour, les cafés du centre-ville commencent à se remplir. Une heure après il n'y a plus de chaises vides. Les frères Ramoul du café Bellevue, au carrefour de Bab Sebt, ont déjà préparé plusieurs dizaines de bouteilles de limonade, d'eau minérale et plate. Les bras de la machine à café n'en peuvent plus de monter et de descendre. Les terrasses sont prises d'assaut avant de se vider presque entièrement, comme par enchantement, à l'appel à la prière de l'îcha. Par vagues successives, la mosquée Al-Badr reçoit les fidèles qui, leur devoir accompli, reviennent pour nombre d'entre eux, aux estaminets pour entamer des discussions où le club local est un des sujets préférés. Avec la rentrée scolaire et l'approche de l'Aïd, d'autres thèmes sont abordés et il n'est pas rare de trouver des parents à la recherche d'enseignants pour une éventuelle intervention. Le café Novelty, rénové depuis quelques mois seulement, a fait dans l'exclusivité : narguilé pour sa clientèle à l'intérieur de l'aquarium, bulle de verre bien éclairée, ou jeux de société avec le retour du «khatem». Le nouveau patron du café, Mohamed Nemdil, est fier de cette réalisation qui se veut le second – si ce n'est le premier – cercle de l'USMB ; on dit même que le boss du club, Zaïm, a puisé dans sa poche pour la rénovation des lieux. Les natifs de la ville se retrouvent en force et s'accommodent trop bien de ce qualificatif de «vrai Blidéen» dont ils sont affublés. Décontraction, rires, évocation de souvenirs, ambiance saine qu'on aimerait vivre tout au long de l'année et non pas seulement durant le ramadan. Mais avant de se rencontrer en soirée, certains clients du café ont dû se rendre au marché dans l'après-midi. Fines herbes, citronnade, légumes frais, fruits alléchants : le souk de Blida demeure à la mode pour nombre de chefs de famille d'Alger, de Tipasa, de Médéa et des communes du chef-lieu qui viennent s'approvisionner tout en humant l'air aux senteurs enivrantes. «Je viens chaque ramadan dans ce marché et personne ne m'enlèvera cette idée de la tête que la baraka est ici dans ces ruelles et ces produits frais», affirme un vieux de la famille Bencherchali dont le père est originaire de cette ville. Olives, piments verts, variantes, cornichons, ail : chacun y va de ses achats auxquels il faut ajouter les dattes et quelques galettes de la rue du Bey. Que dire lorsque d'autres personnes évoquent le qalb ellouz de ammi Setofe, la z'labia de Boussaâd, différente de celle de Boufarik, mince et croustillante, illustrant «l'esprit citadin et raffiné des Blidéens», martèle M'hamed Trari, un ancien ami du regretté Rachid Nouni. La z'labia de ammi Larbi, celle de P'tit police actuellement, impose une queue sans fin et qui ne disparaît qu'après l'appel à la prière du Maghreb. Même pour ce produit, les connaissances et les passe-droits sont de mise derrière la boutique. Toutes les tables instituées depuis la prolifération du marché informel, rendent quelque peu monotone cet aspect de la consommation à la blidéenne, mais un point commun est à relever : si la z'labia tunisienne est tolérée, l'absence de celle de Boufarik est érigée en règle.