Histoire n C'est ici que s'approvisionnaient autrefois, chaque matin, les ménagères juives des quartiers israélites voisins, dont on vante encore les qualités de «cordons bleus». Situé dans la partie nord de la médina de Constantine non loin de la porte de la Casbah et du célèbre pont suspendu de Sidi M'cid, le marché de Souk el-Asser attire quotidiennement une foule aussi nombreuse qu'à l'époque des plus belles années de l'antique Cirta. À l'heure où le centre ville de Constantine continue de subir une dégradation indéniable et semble, au grand désespoir des défenseurs inconditionnels du vieux rocher, se refuser à donner des signes de renaissance, le marché de Souk el-Asser résiste vaillamment, bravant les injures du temps et les négligences coupables de l'homme. Il garde le cachet qui a toujours fait son charme et une animation qui contrastent avec la morosité et la décrépitude alentour. Une certaine clientèle «branchée» évite pourtant de fréquenter Souk el-Asser, réputé pour ses prix modérés, au point qu'on l'a baptisé «souk el Zaoualya», même si certains détracteurs, non sans dérision, ont pu l'appeler «Souk el Khasser», car ce «marché des pauvres» serait aussi un lieu où le client naïf est parfois déçu sinon piégé. C'est que le vieux marché a eu ses heures de gloire, depuis la date de sa création qui se perd dans le passé millénaire de la ville, jusqu' à l'époque de l'indépendance et les années qui suivirent. C'est ici que s'approvisionnaient autrefois, chaque matin, les ménagères juives des quartiers israélites voisins, dont on vante encore les qualités de «cordons bleus» et qui comptaient parmi les meilleurs dépositaires de la fameuse gastronomie constantinoise. Souk el-Asser recevait aussi, chaque matin, les produits incomparables des jardins de Hamma Bouziane (que l'on appelait naguère Hamma Plaisance), réputés alors pour leurs variétés endémiques de légumes, les fameuses courgettes présentées immanquablement avec la fleur épanouie comme le cadran d'un tournesol, sans oublier, au printemps, les bouquets odorant des narcisses «belliri» ou les produits rustiques que l'on cueillait dans les près et les bois : botte d'artichauts, «kherchef», «tilfef», «harcha». C'était avant que les jardins du Hamma ne périclitent sous l'effet de la réduction des eaux d'irrigation, le détournement des terres agricoles au profit d'une urbanisation envahissante, ou les conséquences ravageuses des émanations de la cimenterie voisine sur l'environnement et même sur la santé des Hammis. On se souvient qu'à l'époque, le visiteur qui se hasardait à se promener le matin, le long du boulevard de l'abîme, ou sur la grande esplanade du marché couvert, du côté de la place de la Brèche, était enivré par les effluves de jasmin provenant du Hamma. La population «délocalisée» toujours fidèle l Une clientèle nombreuse, «délocalisée» vers les nouveaux pôles de Ali-Mendjeli et de Massinissa, continue encore aujourd'hui à se montrer fidèle à Souk el-Asser. Pour certains, c'est la force de l'habitude, pour d'autres, ce sont les prix abordables qu'affichent encore ses étals. Quoique..., on vous mettra souvent en garde contre le risque de ramener dans votre couffin, des produits avariés aux trois quarts. Car la loyauté, le sens de l'éthique ou plus simplement l'honnêteté se perdent ici aussi... Souk el-Asser doit également sa pérennité à la présence, autour de la place du marché, de magasins spécialisés dans les tissus en tout genre, pour les rideaux, tentures, draperies, matelas et autres garnitures. L'ouverture d'une station de téléphérique est, de plus, venue à point nommé pour encourager la fréquentation de ce lieu encore animé dans cette ville ou dominent les bâtisses en ruine et les établissements fermés, autrefois huppés, comme le défunt Café Riche. Souk el-Asser, c'est aussi un lieu historique, avec des monuments importants, comme la mosquée et l'Institut El-Kettanya, fondés par Salah Bey, l'un des plus grands souverains du beylik de Constantine. C'était une école libre à l'époque de la colonisation, ou firent leurs classes, deux chefs d'Etat de l'Algérie indépendante, Houari Boumediene et Ali Kafi. Les arguments de l'histoire étant également ceux du tourisme et du commerce, les défenseurs de la vieille ville, à travers le mouvement associatif, pensent qu'il y a urgence à réhabiliter un tel monument, et à aménager de la façon la plus valorisante le vieux marché de Souk el-Asser.