Réputation n «Si, dans n'importe quel autre quartier d'Alger, vous ne trouvez pas de pain en fin d'après-midi, venez à El-Harrach.» Cette suggestion est justement d'un de ces innombrables jeunes vendeurs de pain du marché communal d'El-Harrach. Le nombre de ceux qui ont choisi cette activité pour gagner leur vie a sensiblement augmenté durant ce mois. Ils sont, en effet, plus d'une cinquantaine à s'entasser dans une surface assez réduite. Ce sont, pour la majorité, des adolescents qui ne dépassent pas une vingtaine d'années. Ils tiennent des grandes corbeilles où ils proposent tous types de pains : du pain ordinaire, ou normal, au pain aux olives, en passant par le pain rond, le pain à la semoule, le pain brioché et le pain paysan. L'endroit est devenu, par la force des choses, une boulangerie à ciel ouvert. A voir toutes les quantités de pain exposées, on se demande si ces gamins arriveront à écouler leur marchandise qui, comme tout le monde le sait, ne peut être conservée. «Oui, sans aucun problème», répond un jeune vendeur de derrière ses quatre grandes corbeilles. Selon lui, les vendeurs de pain gagnent très bien leur journée.Lui, par exemple, il écoule entre 800 et 1 500 pains par jour, toutes qualités confondues. Ce qui lui fait un bénéfice de 1 000 à 2 500 DA. La majorité de ces jeunes traitent directement avec les propriétaires de boulangeries qui leur cèdent le produit entre 8 et 9 DA (pour le pain ordinaire) et eux le revendent à 10 DA la baguette. «Le pain d'El-Harrach est réputé pour sa saveur et on vient de tous les quartiers d'Alger pour en acheter. C'est comme la zlabia de Boufarik. Nous, c'est notre pain qui est réputé», dit fièrement un autre vendeur, natif du quartier. Le nombre de corbeilles alignées les unes devant les autres, laisse penser que c'est tout Alger qui viendra chercher son pain à El-Harrach. C'est peut-être loin d'être le cas, mais le nombre de clients est tout aussi impressionnant et le résultat ne se fait pas attendre. En effet, il ne se passe pas une demi-heure sans que de nouvelles corbeilles arrivent et d'autres partent…vides. «Ici, le pain marche très bien, mieux que tout», expliquent à l'unanimité les vendeurs approchés. Le plus étonnant est de savoir que, avant 11 heures du matin, en plein mois de ramadan, les gens commencent déjà à acheter leur pain. C'est peut-être, tente-t-on d'expliquer, pour les enfants scolarisés, car la plupart des boulangeries n'ouvrent pas avant midi pour pouvoir servir un pain frais pour le f'tour. Et l'hygiène dans tout ça ? Elle laisse, certes, à désirer, mais rien ne semble dissuader les consommateurs d'acheter le pain et ses dérivés (brioches, petits-pains, croissants…) exposé du matin au soir à la poussière et aux rayons du soleil. En tout cas, un vendeur de galettes traditionnelles que nous avons interpellé ne se pose pas trop ce genre de questions. Pour lui, tout ce qui compte, c'est de trouver, le soir, que la recette de la journée est plus généreuse que celle de la veille…