Le jour se levait, tandis que Katey McDivott remontait l'allée de gravier bordée d'arbres menant à son cottage. Elle marchait sans s'appuyer sur sa canne, heureuse de pouvoir s'en passer pour la première fois depuis plus d'une semaine. Aller se promener juste avant le lever du soleil l'aidait à fortifier sa jambe droite. Lorsqu'elle pourrait à nouveau rester longtemps assise sans bouger, elle retournerait observer les oiseaux en compagnie de ses amis. Pour le moment, il lui fallait se contenter de ces petites balades et de son jardinet, avec sa barrière blanche, ses mangeoires à oiseaux suspendues aux branches et ses fleurs sauvages tant prisées par les papillons. Katey se dirigea vers l'arrière du pavillon, d'où, par-delà un promontoire couvert de broussailles, elle pouvait contempler l'Atlantique, ce jour-là gris-bleu et recouvert de moutons blancs. Le parfum des rosiers jaunes et roses ornant la véranda lui parvenait par bouffées. Déjà des écureuils s'efforçaient de piller le contenu des mangeoires pour les oiseaux montées sur des piquets, mais le rebord de métal les empêchait d'y accéder. Bientôt, au chant des oiseaux se mêlerait l'entêtant bourdonnement des abeilles. Elle s'assit sur les marches de la véranda, essoufflée d'avoir par deux fois traversé les bois, pour aller à la plage et en revenir. Ses jumelles pesaient autour de son cou, et elle en défit la courroie. Peut-être aurait-elle dû prendre sa retraite plus tôt, avant la série de petites attaques qui l'avait contrainte à partir. Même alors, elle l'avait fait de mauvaise grâce. Le personnel et les professeurs multilingues étaient difficiles à remplacer. Et effectivement, l'école n'avait encore trouvé personne pour reprendre son poste. Quant à elle, rien ne lui paraissait en mesure de combler le vide laissé. Les enfants lui manqueraient toujours. Un frottement de pattes la fit sursauter : un écureuil dévalait un tronc d'arbre tout proche. Il s'arrêta, la queue frétillante, à quelques pas d'elle. Elle les avait nourris pendant l'hiver et aurait continué à le faire si le climat n'était devenu si doux et la nourriture si abondante. Ne la voyant pas s'avancer vers la porte grillagée, l'écureuil agita deux fois la queue et déguerpit. Le beurre de cacahuètes lui manquait, rien de plus. Lorsque Katey se leva pour rentrer, sa jambe était ankylosée et, bien qu'elle fût restée seulement un court moment sans bouger, elle avait à nouveau besoin de sa canne. Le café qu'elle avait préparé un peu plus tôt était encore chaud, même si elle l'appréciait moins quand il était prêt depuis plus d'une heure. Elle fouilla dans le tiroir du bas à la recherche de ses médicaments. Puis elle se rappela qu'elle avait fait renouveler la veille ses ordonnances et tira de son sac à main les deux flacons de comprimés. Elle s'installa devant la fenêtre et se délecta du spectacle des queues et des ailes battantes, accompagné du joyeux pépiement des oiseaux piquant droit sur les mangeoires. Katey n'aurait su dire combien de temps avait passé, lorsqu'elle remarqua que sa bouche était sèche et sa main gauche engourdie. «Comme lorsque j'ai eu mon attaque», songea-t-elle. Mais cette fois-ci, c'était différent. Quand elle tenta de se lever pour se diriger vers le téléphone, ses jambes refusèrent de la porter et elle s'effondra sur le sol. (à suivre...)