Résumé de la 10e partie n La petite Ngoc arrive chez Mlle MacDivott qu'elle trouve inconsciente, c'est alors qu'elle décide d'appeler police secours… Mlle McDivott cligna des yeux. — Je veux vraiment que vous voyiez mes poneys. J'en ai des tas. Et ces bonbons, ils sont terribles. Vous vous régalerez, quand ça ira mieux. Alors, vous reviendrez chez vous, d'accord ? Ngoc Thuy se dirigea vers le téléphone. Il était cinq heures passées lorsque Tori et Thanh arrivèrent à Sudbury. Tori roulait sur une route étroite et sinueuse et s'arrêta au niveau de la boîte aux lettres ornée d'un rouge-gorge. Une voiture de police était garée sur le bas-côté. Elle ne ferait pas la connais-sance de Mlle McDivott aujourd'hui mais, qui sait, peut-être demain... Thanh lui prit le bras tandis qu'ils montaient le sentier menant au cottage. Une petite fille était assise sur les marches. — Ngoc Thuy ! Thanh se précipita pour la soulever dans ses bras. La fillette s'agrippa à lui et Thanh s'assit, la serra contre lui et la berça doucement en lui murmurant des paroles en français. Tori était restée en bas des marches. Le visage large de Ngoc Thuy rappelait celui de Thanh, de même que ses cheveux raides. Mais ses traits n'étaient pas asiatiques et ses yeux et ses cheveux étaient châtain clair. Voilà qui expliquait pourquoi Mme Diem ne semblait pas avoir apprécié la mère de l'enfant. La dernière fois que Tori avait vu Thanh, huit ans plus tôt, la journée était tout aussi chaude, le soleil tout aussi éclatant. Les pigeons se pavanaient le long des quais de South Station. Tori s'apprêtait à prendre un train pour le Connecticut. Thanh, quant à lui, partirait rendre visite à des parents, en France. La mère de Ngoc Thuy était probablement française. Vertus précieuses. Lat et Thanh, tout comme la plupart des Vietnamiens, n'accordaient que peu d'importance au sens des prénoms. Mais cette enfant-là semblait véritablement précieuse. Qu'elle soit partie seule, et de son propre chef, à la recherche de son institutrice, avec pour seul indice le nom d'une ville qui n'existait pas, ne surprenait en rien Tori. Elle se souvenait de s'être elle-même décidée à partir pour le Nouveau-Mexique, à l'âge de six ans, avant de changer d'avis au premier coin de rue et de revenir sur ses pas. A sept ans, c'est Seattle qu'elle s'était fixé comme destination, et elle était allée jusqu'au métro. Elle comprenait désormais la nature de la crainte qui l'avait arrêtée : l'appréhension de ce qu'elle trouverait au terme du voyage rendait son état d'ignorance, au fond, plus rassurant. Elle ne pouvait faire confiance ni à elle-même, ni à la famille, ni à la mère qu'elle se cherchait. Bien qu'elle eût, désormais, tout le temps nécessaire pour essayer de les retrouver, quelque chose l'en empêchait et elle préférait revenir ici, dans une communauté de femmes dans laquelle – elle se sentait à l'abri et vers un homme qui, des années plus tôt, lui avait enseigné les arts martiaux parce qu'il trou-vait qu'elle manquait. de courage. C'était tellement plus facile pour elle de venir ici avec Lat, et de se préserver de cette mère, de cette autre culture dans laquelle elle avait vu le jour. Tout comme Tori, Ngoc Thuy avait dû se sentir attirée par cette autre culture qui la dévisageait quand elle se regardait dans le miroir. Contrairement à Tori, elle possédait le courage de sa mère. Elle avait été assez forte pour laisser partir Mlle McDivott sans savoir si elle la reverrait jamais. Tori ignorait si elle aurait, un jour, ce courage-là et si, le moment venu, elle serait capable de renoncer à Lat Mu. Et si elle serait assez forte pour faire davantage qu'une timide incursion dans l'univers inconnu de sa mère et, peut-être, de ses frères et sœurs, si elle en avait. Thanh se trompait : elle ne les avait pas cherchés du tout. Mais si cette enfant le pouvait, alors peut-être que... Thanh ébouriffa les cheveux de Ngoc Thuy, et le père et la fille éclatèrent de rire. Les yeux de Tori croisèrent ceux de Thanh. Puis elle regarda Ngoc Thuy et sourit.