A l'entrée est de la plage Colonel Abbès, trois motards de la Gendarmerie nationale sont embusqués dans un buisson. Ils guettent les automobilistes qui ne s'arrêteraient pas à l'intersection. La plaque indiquant le stop obligatoire semble invisible pour ces chauffards. Une file de six voitures à l'arrêt. Les contraventions ! Il fait très chaud. Des troncs d'arbres jonchent le bord de cette route qui mène vers l'immense plage Colonel Abbès de la commune de Douaouda, située à l'extrémité est de la wilaya de Tipaza. L'embouchure de l'oued Mazafran est déserte. La propreté de l'environnement n'est pas à l'ordre du jour dans cette partie du littoral méditerranéen. La lecture des plaques d'immatriculation des centaines de véhicules en stationnement sur le sable dévoilent leurs wilayas. Il s'agit de Blida, d'Alger, de Aïn Defla, de Tissemssilt, de Médéa, de Chlef, de Djelfa et bien entendu de Tipaza. L'immense plage est tapissée de tentes. Des jeunes, « brûlés » par les rayons de soleil, invitent les passants et les automobilistes dans leurs « territoires » pour s'installer. Les tarifs varient selon les endroits et la qualité de la tente. Des espaces de location de tables, de chaises et de parasols se trouvent au niveau des multiples entrées menant à cette plage. La circulation des véhicules, à cette heure-ci de la journée où la chaleur est étouffante, est très calme. La route est mal entretenue. Douche écossaise Des jeunes filles assises au bord de la route exhibent leur beauté, sous les regards quelque peu vicieux des mâles solitaires. Des chansons s'échappent de ces soi-disant « restaurants » et « cafés » pas du tout propres, qui ont été érigés à l'aide de roseaux et des plaques de bois. La mer est superbe, calme. Des couples accompagnés de leurs enfants descendent de leurs véhicules pour aller se rafraîchir. « Vous cherchez quelque chose », nous demande ce jeune homme à la voie rauque. « Non merci, lui répond-t-on, nous visitons cet endroit pour, peut-être, revenir une autre fois. Mais il n'y a pas d'eau pour prendre de douche après la baignade », ajoute-t-on. Notre jeune interlocuteur nous abandonne, tandis que son compagnon est venu pour nous indiquer le lieu où les baigneurs peuvent prendre leur douche après la baignade. « Dans le cas où nous venons avec nos copines, demande-t-on à notre jeune interlocuteur, où pourons-nous nous installer en sécurité sans être inquiétés. » Le jeune nous explique que les tentes installées au bord de la mer sont destinées généralement pour les familles, tandis que les personnes accompagnées de leurs copines, elles sont orientées par cette faune de « commerçants » vers d'autres tentes. « Il y a des draps et vous allez être à l'aise », a tenu à nous préciser notre interlocuteur. La saleté des lieux est répugnante. Nous vérifions la disponibilité de l'eau. Un homme nous fait savoir que le prix de la douche est fixé à 50DA, quant aux toilettes le prix est de 20DA. Un homme mince aux cheveux gris, accompagné par une « fat woman » souriante en hidjab, est harcelé par deux jeunes qui entraînent « le couple » vers un endroit retiré. « Commerce » estival Le marché est conclu. Le prix de la location de la tente en forme cubique est de 500 DA mais cela ne semble pas constituer un problème pour « ce couple éphémère ». Le couple s'engouffre à l'intérieur de « la fournaise », l'un des deux jeunes accompagnateurs empoche l'argent. Il rebrousse chemin à la recherche d'un autre couple en quête de nid. Tous les coups sont permis dans l'activité du commerce à la plage Colonel Abbès, en attendant l'arrivée de l'investisseur émirati Emmar. Nous quittons la plage, pour nous diriger vers l'Ouest. Les commerces de Douaouda Marine n'affichent plus complet comme autrefois, avant la réalisation de la voie express. La circulation des voitures jusqu'à la localité côtière de Bou-Ismaïl de 9 km est moins dense. Une pépinière appartenant à un fleuriste est bien achalandée, mais point de clients. Le boulevard du Front de mer de Bou-Ismaïl offre un visage triste. Rares sont les familles qui occupent des tables installées sur les trottoirs empiétant ainsi le domaine public d'une manière illégale et à cause du laxisme des autorités locales, les piétons ont du mal à se promener. Une enquête sérieuse sur l'identification des propriétaires de ces commerces révélera des surprises, quand des personnes travaillant à la daïra de Bou-Ismaïl ont réussi, grâce à des complicités locales, à bénéficier d'un local dans un jardin public en 1990, et, aujourd'hui, ce petit commerce s'est agrandi sans que personne n'ose lever le petit doigt. Qui a autorisé la prolifération de ces terrasses de café, de ces lieux publics ne remplissant pas les conditions exigées par les textes réglementaires ? Des cafés sans toilettes ! La mer à Bou-Ismaïl est polluée par les rejets de la zone d'activité. La baignade y est interdite, mais les jeunes lassés par l'oisiveté passent outre ces instructions. Au Boulevard du Front de mer c'est l'anarchie qui y règne, en dépit des efforts entrepris par l'Etat pour le réhabiliter. Les voûtes de ce boulevard se sont transformées en « pissoires » à ciel ouvert. Des odeurs nauséabondes s'en dégagent. Pourquoi s'acharne-t-on à dégrader ex-Castiglione ? En dépit de ses potentialités touristiques et sa proximité de la capitale (avec sa voie express qui l'a rapprochée d'Alger). Au-delà du rond-point de Khemisti, localité située entre Bouharoun et Bou-Ismaïl, ce tronçon de la RN 11 est achalandé par une multitude de vendeurs de produits alimentaires. Poissons et fruits de mer exposés au soleil, à la poussières et des fumées des voitures ; des camionnettes chargées de fruits et légumes à l'arrêt au bord de la route, des enfants avec leurs couffins remplis de galettes, d'œufs, et des grillades de maïs sur des fûts de 200l qui donnent l'image d'une république bananiére qui ne semble pas du tout gêner les responsables locaux. La route nationale devient subitement étroite. Elle ne peut plus supporter les milliers de véhicules qui l'empruntent et ses bords de routes occupés par ces commerces de fortune. Pour les estivants, la circulation routière le long de la côte de la wilaya de Tipaza est devenue un enfer. Les promesses du ministre Les promesses de M. Ghoul, ministre des Travaux publics, sur la réalisation des deux autres tranches de la voie express allant de Tipaza vers la capitale ne seront pas tenues, malheureusement. Des automobilistes zélés et impatients effectuent des dépassements dangereux. Aïn Tagouraït est l'autre localité côtière qui étouffe, car les commerçants ne se gênent plus pour occuper les trottoirs, obligeant les piétons à marcher sur la route. A la sortie de la localité, des véhicules sont stationnés sur les bordures du littoral couvert par des bosquets. Pour accéder à ces lieux intimes, il faut tout simplement emprunter les pistes signalées par des morceaux de tissu en couleurs. L'aménagement de ces endroits en espaces de repos pour les familles mérite d'être étudié, plutôt que de les abandonner entre les mains des squatteurs. L'accès est payant pour ces couples en quête d'intimité. Le stationnement est anarchique, c'est selon l'humeur du conducteur. Dommage ! Les espaces verts sont enlaidis par les sachets d'ordures abandonnés par les visiteurs. Par contre, la plage Kouali, située à l'entrée du CET de Tipaza, est assaillie par des familles qui profitent de cette verdure, de cette vue paisible aux multiples couleurs notamment, quand la mer est calme. Classe « tout risque » L'entrée de l'autre complexe touristique la Corne d'or est soumise à une présentation d'une carte d'accès. Il est 16h50. Le parking des véhicules affiche complet. Il faut se garer presque à l'entrée du complexe. Les petites plages de ce complexe très convoité par les investisseurs ne peuvent plus contenir les milliers de baigneurs qui y convergent. Pas d'intimité. Des sachets aux couleurs différentes flottent sur l'eau. Des embarcations voguent dans la baie. Ce qui paraît regrettable, pour toutes ces potentialités naturelles qui constituent un véritable acquis pour le développement du tourisme dans la région de Tipaza, c'est qu'elles sont soumises au diktat des pollueurs, au moment où les pouvoirs publics entreprennent des efforts immenses pour améliorer le cadre de vie. La culture du tourisme doit d'abord commencer par la base.