Ici comme ailleurs, notamment dans le monde arabe et surtout dans les pays du Maghreb, la réalité du livre, et, par ricochet, du lectorat, s'avère la même. «La lecture est relativement mauvaise», a estimé un représentant de l'Union des éditeurs tunisiens, ajoutant : «Il y a un changement dans les habitudes de lecture.» Qu'est-ce qui fait que le nombre du lectorat, entre autres en Algérie, a sensiblement diminué par rapport à ce qu'il était dans les années 1970 ? On peut relever deux raisons, essentielles également. La première, c'est le coût élevé du prix du livre, et la deuxième, ce sontt les livres proposés aux lecteurs. C'est-à-dire qu' il n'y a pas un choix susceptible d'intéresser ce dernier. Ce n'est manifestement pas tout le monde qui est porté sur la littérature, dite pure et dure, celle faite par des auteurs classiques ou par des écrivains modernes. Il y en a certains qui aimeraient lire de la littérature fantastique, d'autres des romans d'aventure ou à l'eau de rose, d'autres des polars. Certains aimeraient lire de la bande dessinée – il s'agit là d'une littérature à part entière… Chacun est porté sur une esthétique à laquelle il se réfère et s'identifie, sur un imaginaire qui lui ressemble. Ainsi, les goûts et les sensibilités d'un lecteur à l'autre diffèrent notablement. En Europe, là où l'édition est développée et diversifiée, en mesure de satisfaire la demande et de répondre aux besoins, le lectorat est multiple et nombreux. Il est donc hétérogène. Il y a des librairies généralistes, comme d'autres spécialisées dans des genres différents. Cela répond systématiquement aux attentes du lectorat. Or, chez nous, en Algérie, les librairies ne proposent qu'un rayonnage réduit et limité de titres, donc de genres et d'imaginaires. S'il n'y a pas de livres racontant une histoire susceptible d'intéresser le lecteur, de lui plaire et de le toucher en son for intérieur, il serait alors compréhensif de voir le nombre de lecteurs diminuer et même certains se détourner du livre. L'autre problématique qui se pose alors à l'édition algérienne, c'est bien l'absence d'un registre de littérature plurielle et variée. Les imaginaires sont multiples et les besoins aussi. L'édition algérienne doit se développer et se diversifier, elle doit toucher à tout afin de préserver ce lien unissant dans une relation de réciprocité lecteur-livre. La lecture ne peut se faire que si on ressent ce besoin pressant, vif et indicible de vouloir lire une belle histoire, une histoire qui nous fait rêver, rire ou pleurer, réfléchir ou voyager dans l'univers des mots, ceux qui nous racontent et font parler notre imagination.