Résumé de la 1re partie n Le Trou des Ouled Zeïane et celui des Aït Attala communiquent et le paysage sur lequel débouche le trou de Aït attala est féerique, mais on ne peut en profiter car des chauves-souris occupent les lieux... Au pied de l'arbre devenu marabout, un vaste monceau de pierres s'élève, témoignage du crime passé dont l'histoire m'a été ainsi racontée Mohamed Amokran était un vieux Kabyle d'une soixantaine d'années, riche, disait-on, car il avait passé sa jeunesse au service des Turcs, puis était revenu, à l'âge de trente ans, se fixer dans son pays. Il avait dû rapporter un gros magot, car lui dont le père était très pauvre, avait acheté les meilleures terres et les plus beaux oliviers de la fraction. Tout récemment encore, il avait acquis le terrain situé autour du Trou des Ouled Zeïane et s'occupait avec ses deux fils à greffer les sauvageons d'oliviers, éparpillés dans les ravins voisins. De ces deux fils, l'aîné, M'ahmed, nature renfermée et envieuse, était âgé de vingt-huit à vingt-neuf ans. Détestant tout le monde, il était universellement méprisé pour sa basse jalousie et sa paresse. Les siens même ne l'aimaient pas et seule la main de fer du vieil Amokran avait pu faire plier cette nature mauvaise. M'ahmed reprochait à son père de s'être remarié avec une toute jeune fille ; il craignait la venue de nouveaux héritiers, avec lesquels il aurait fallu partager l'hoirie paternelle. Sa crainte avait été vaine jusqu'alors, la nouvelle épouse n'ayant encore donné que des filles à son mari, et les filles n'héritant point en Kabylie... Mais l'héritage paternel menaçait de se faire attendre, car Mohamed Amokran semblait plus vigoureux de jour en jour et les années passaient sans courber son corps d'athlète ni affaiblir ses muscles d'acier. Le dernier de ses fils, Idir, avait commencé le jeûne après avoir, avec succès, subi l'épreuve de la ficelle (On entoure le cou du jeune homme d'une ficelle, puis on double la longueur ainsi obtenue. La ficelle prise par les deux bouts entre les dents du jeune homme, doit passer sans difficulté par-dessus le crâne). Aimé de tous, gai, serviable, il était adoré de son père et de toute la karouba. Vers le mois de mars, de bon matin, Mohamed Amokran prit sa hachette et son fusil et invita son aîné à le suivre, tandis qu'Idir garderait la maison et surveillerait les femmes. Il fallait en finir avec la taille des oliviers et les préparer à recevoir la greffe. Les deux hommes descendirent de la crête où perchait leur village. Arrivés vers le Trou, Mohamed remarqua, à sa gauche, un corbeau qui, du haut d'une motte de terre, regardait les arrivants d'un air narquois. — Voilà un mauvais augure, dit le fils ; un seul corbeau à gauche est signe de malheur. Nous ferions bien de rentrer à la maison. — Ah ! non, dit le père, pour une idée de femme peureuse, nous ne nous arrêterons pas ; les Turcs, mes anciens maîtres, m'ont appris à mépriser ces sornettes, et quand je rencontre un objet de mauvais augure, je m'empresse de le rendre plus favorable. (à suivre...)