Résumé de la 15e partie n Le juge d'instruction demande à Thoinot un nouveau rapport sur les décès d'enfants, survenus chez Jeanne Weber. Le médecin conclut de nouveau à des morts naturelles. Pas plus que le précédent, le nouveau rapport de Thoinot ne parvient pas à ébranler la conviction du juge qui est persuadé que c'est Jeanne qui a tué les enfants. C'est pourquoi il communique le dossier avec cette conclusion au juge Seeligman qui inculpe aussitôt Jeanne Weber du meurtre de quatre enfants et de tentative de meurtre sur un cinquième. L'affaire paraît claire, cependant, les conclusions de Thoinot vont jeter le trouble dans l'esprit du président de la cour, le juge Bertholus. Celui-ci, s'il a appris à faire confiance aux enquêtes policières et à tenir compte des déclarations des témoins ne voue pas moins de l'admiration pour les hommes de science. Pour en avoir le cœur net, il demande d'autres autopsies. Cette fois-ci, il fait appel au professeur Bouardel, le maître de Thoinot. On a écrit plus tard que l'éminent médecin légiste, qui n'avait plus que six mois à vivre et qui était miné par la maladie, n'avait pas fait les autopsies. Un rapport portant sa signature et celle de Thoinot est cependant remis à la justice, avec cette conclusion : les enfants Weber ne sont pas morts à la suite de strangulation, mais de maladie ! Cette fois-ci, le procès ne peut plus être ajourné. Le procès s'ouvre le 29 janvier 1906. Bertholus comme Seeligman sont persuadés de la culpabilité de Jeanne Weber, mais ils savent que les témoignages de Thoinot et de Bouardel, maître de la médecine légale française, vont peser lourd dans les débats. Et ni les conclusions de l'enquête policière, ni les témoignages des parents et des voisins des victimes, ni surtout les déclarations du docteur Saillant et de ses collègues, médecins généralistes et de surcroît médecins de quartiers pauvres, ne seront pris en considérations. La foule, elle, massée de bon matin devant le tribunal, scande des slogans hostiles à Jeanne. Mais les juges ne se laissent pas impressionner par ce mouvement ; en effet, cette foule qui réclame la tête de Jeanne, va la porter aux nues si la défense réussit à prouver son innocence. Et c'est ce qui va se passer. L'avocat de Jeanne, Henri Robert, qui s'est déjà illustré dans des affaires sensationnelles, crie à l'innocence de sa cliente. Il tourne en ridicule les déclarations des médecins de quartier et les témoignages des proches des victimes, puis il appelle à la barre Thoinot qui va rejeter la thèse de la strangulation et ridiculiser, lui aussi, ses tenants. Il ne laissera aucune place au doute ! Le verdict est prononcé le 30 janvier, dans l'après-midi. Jeanne Weber, reconnue innocente des charges qui pesaient sur elle est acquittée. Comme prévu, la foule change d'attitude : la jeune femme est applaudie et fêtée. «On a failli envoyer en prison une innocente !» La presse, auparavant acharnée, salue cette victoire de la science sur les pratiques policières. «Sans la médecine légale, lit-on dans la plupart des journaux, une innocente aurait été condamnée !» C'était pour Thoinot le triomphe. Le docteur Saillant, à qui on reproche d'avoir donné l'alerte, est conspué. — il ne mérite pas son titre de docteur ! Mais en fait l'affaire Jeanne Weber est loin d'être classée puisque l'«innocente» va encore faire parler d'elle ! (à suivre...)