Résumé de la 8e partie n Kassi décide de venger lui-même son fils. Il se rend donc à Fort-Napoléon où le commandant lui oppose un refus quant à son engagement dans l'armée, mais lui propose un poste de chef de tribu refusé par Kassi... Dès le lendemain, il chercha un usurier pour lui céder ses biens. Il trouva vite, car il était riche pour un montagnard. Il tira alors de son coffre sculpté son vieux costume de sergent, encore troué des balles mexicaines, souvenir des jours heureux et des belles batailles ; il garnit sa poitrine de toutes ses médailles et, nanti d'un billet de mille, il partit à pied pour Alger. Tout le monde admirait au passage ce vieux troupier, dont la manche gauche ballottait, vide depuis le coude ; il était salué partout comme une victime glorieuse de nos derniers désastres et l'on se disputait l'honneur de le recevoir et de l'héberger. Quand on lui demandait où il allait, il répondait avec une tranquille gravité : «En France, tuer un général pour venger mon fils.» Les colons alors se touchaient le front de l'index et souriant disaient : «Maboul !» Kassi les regardait de ses yeux creux et froids et haussait les épaules. Le premier bateau en partance le conduisit à Marseille et là, sans s'étonner du bruit et du verbiage méridional, il demandait à tous les passants où se trouvaient les Prussiens. Une personne, à laquelle il expliqua son cas et son désir, le conduisit à la gare et prit son billet pour Orléans, aux environs duquel il devait rencontrer l'ennemi. Il ne tarda point à se trouver mêlé à une armée incohérente, composée des restes des brillantes troupes impériales, de recrues et de mobiles, ayant tous bon vouloir, mais sans cohésion, sans esprit de corps, sans discipline, mal armés, mal nourris, inhabiles à supporter le feu, les longues marches et les privations. Le vétéran, avec son instinct de reître, se rendait compte que tout cela ne triompherait jamais de ces Prussiens dont les lignes sombres et régulières se développaient sur l'horizon. Il se contenta d'abord de suivre les troupes françaises au feu, examinant leurs efforts, se désespérant, pensant que jamais les nôtres n'exécuteraient ces charges brillantes, ces pointes audacieuses, dont ils étaient jadis coutumiers, qu'il aurait pu suivre et durant lesquelles il aurait pu apercevoir son général et le tuer. Enfin, las de son inaction, il ramassa auprès du premier mort venu un chassepot et des cartouches. Depuis lors, en tête de toutes les troupes, il chargeait et déchargeait sans cesse, visant en appuyant l'arme sur son bras mutilé, inaltérable de sang-froid au milieu de la pluie de plomb, n'ayant qu'une idée, tuer et se faire tuer. Les balles l'épargnèrent toujours, miraculeusement. Il prit part à toutes nos défaites, mêlées de courts espoirs ; puis, s'étant plus particulièrement attaché à un bataillon de mobiles qui lui faisait toujours fête et qui, du reste, se battait bien, il suivit ses nouveaux amis dans l'Est, où – lui expliqua-t-on – il pourrait voir les Prussiens de plus près. Le sol mouvementé et boisé des provinces frontières était en effet favorable aux embuscades et aux luttes rapprochées. (à suivre...)