Anniversaire n Trente ans déjà se sont écoulés depuis la perte inestimable de ce grand maître de la musique chaâbie, El-Hadj M'hammed El-Anka, le 23 novembre 1978. De son vrai nom Aït Ouarab Mohamed Idir Halo, El-Hadj El-Anka naquit le 20 mai 1907 à la Casbah, précisément au 4, rue de Tombouctou, au sein d'une famille modeste originaire de Béni Djennad (Tizi Ouzou). Très tôt, il fit partie de l'orchestre de Mustapha Nador et de Hadj Mrizak dans le genre m'dih. Cet homme, doté d'une infinie intelligence artistique et culturelle, d'une dévotion et d'une passion inégalées pour sa musique, va révolutionner, ce qu'on appellera plus tard : «le chaâbi», ce genre musical sous forme de «qaçaïde» (poèmes), venu d'andalousie , et ce, en y introduisant quelques nouveaux instruments, et en y mettant des «modes», comme nous le dira Ahmed Serri, maître de la musique andalouse. «Il y avait déjà au début du siècle dernier Cheikh Sfindja, lui-même élève du Cheikh Menemèche, qui interprétait des "qaçaide", sous forme de medh, car a l'époque il n'y avait pas encore de chaâbi, mais des "m'dadha", avec lesquels El-Hadj El-Anka avait commencé, avant d'y introduire, quelques années plus tard, le banjo et le mandole... ce qui deviendra alors "le chaâbi".» Trente ans après sa disparition, El-Hadj M'hammed El-Anka suscite, encore et toujours, un intérêt certain pour le chaâbi et une très large mobilisation d'intellectuels de tous genres : historiens, musicologues, écrivains, chanteurs, journalistes... Pour preuve : la journée d'étude organisée en sa mémoire la semaine dernière, par l'établissement Arts et Culture, pour débattre et revisiter les grands moments de ce patrimoine musical, son passé et son actualité. La force du chaâbi, est que c'est une musique populaire, comme son nom l'indique, et donc écoutée et comprise par tous, avec parfois des textes simplistes, racontant le quotidien de tout un chacun, l'amitié, la religion, l'amour, les maux sociaux..., mais parfois aussi des textes poétiques et littéraires, très profonds, regroupant ainsi, toutes les couches sociales et intellectuelles. De plus, il y a eu aussi cette évolution fulgurante de néophytes au chaâbi, de par la multitude d'écoles et de conservatoires créés à cet effet aujourd'hui, des diffusions musicales continues sur les chaînes de radio et de télévision, et une discographie infinie, à la portée de tous, tout en gardant cet esprit d'antan, qui veut que chaque disciple ait un maître et une voie «balisée» à suivre, ce qui est valable aussi pour les «autodidactes», qui ont tous un chanteur de référence, essayant d'imiter son style musical, vocal et/ou textuel. Et d'ailleurs, il n'y a qu'à voir l'excellence d'exécution des Chercham, Bourdib, Bensamet... ou encore le jeune Youcef Benyghzer, pour constater que la relève après le maître a été, est et sera, probablement, toujours assurée.