Les «vérités» de l'un et les «réponses» de l'autre n'ont fait finalement que lever le voile sur des péripéties de la Révolution pas très propres du tout, tout en plongeant dans le désarroi le pauvre citoyen contraint de ressasser cette question : que cachent donc cette polémique et celles à venir ? Cette interrogation ne taraude pas le seul ancien ministre de la Défense. De nombreux Algériens se posent sans doute la question, tant les acteurs de l'histoire contemporaine du pays nous ont habitués à ne pas sortir spontanément et sans calculs de leur mutisme. Au contraire, ils ont souvent tenu à bien choisir le timing à chaque fois qu'ils ont envie de «soulager leur conscience» ou de régler quelque vieux compte. Le général Nezzar lui-même a sorti un livre-réquisitoire contre l'actuel chef de l'Etat, précisément avant l'élection présidentielle de 2004, et les observateurs de l'époque avaient interprété l'initiative du général à la retraite comme un positionnement sans équivoque dans la bataille électorale qui s'annonçait. L'on se souvient aussi de la guéguerre par presse interposée que se sont livrée, en août 2007, le général Mohamed Touati et l'ancien Chef du gouvernement, Belaïd Abdeslam, dans un contexte marqué par les premiers débats sur la révision de la Constitution. Les deux hommes, ayant joué un rôle clé dans la gestion des affaires du pays vers le milieu des années 90, soit au plus fort de l'agitation terroriste, ont réglé leur contentieux datant de cette époque cruciale sur la place publique dans un «feuilleton de l'été» qui a tenu en haleine l'opinion nationale. Les Algériens ont ainsi pu tout connaître de la gestion des dossiers chauds de l'époque, notamment le recours au rééchelonnement de la dette extérieure et la lutte contre le terrorisme. Mieux, la polémique a vite débordé sur le passé de chacun des deux personnages, notamment leurs rôles durant la Guerre de libération nationale. C'est cette même dichotomie – gestion des affaires du pays et passé révolutionnaire – qui caractérise la polémique déclenchée par Chadli Bendjedid. En effet, avant d'émettre de graves doutes sur le patriotisme du général Nezzar, l'ancien Président a pris le soin de rappeler son œuvre et ses projets quand il présidait aux affaires du pays. «Je voulais instaurer un régime parlementaire». Ce qui, décortiqué, équivaut à une démarcation franche avec la récente révision de la Constitution initiée par le président de la République qui renforce les prérogatives du chef de l'Etat et met fin à la limitation du nombre de mandats présidentiels. Prendre l'initiative d'une sortie médiatique tonitruante à quelques mois d'une échéance électorale pour fragiliser un potentiel candidat dont on ne partage pas forcément les idées et le projet est, à n'en pas douter, de bonne guerre. Cependant, il n'échappe à personne que les relents des péripéties de la Guerre de libération remontent à la surface à chaque fois que le pouvoir est en jeu. Ce qui laisse déduire que la légitimité historique est encore une variante essentielle, sinon décisive, dans l'équation de l'équilibre des rapports de force au sein du pouvoir… Enfin, quelque chose de très malsain se dégage de ces feuilletons à répétition : les protagonistes sont souvent des hommes ayant dirigé ensemble les affaires du pays. Les Algériens ne comprendront sans doute jamais comment un chef de l'Etat a pu nommer au poste sensible de ministre de la Défense, un homme qu'il savait «espion de la France»…