Habitude n Par la force des choses, les Algériens sont devenus adeptes de la terrible formule : «Je n'ai rien vu, rien entendu, rien dit». C'est tout un vocabulaire négatif que les Algériens utilisent pour discuter, échanger, faire des affaires, commenter… Des scènes d'incivisme se passent au quotidien sous nos yeux et personne ne réagit. Combien de personnes volées en pleine rue et nous faisons semblant de ne rien voir. On voit son voisin dans le besoin et on s'en réjouit. On demande à quelqu'un un avis ou un conseil concernant une question d'intérêt général et (le concernant lui-même), il hausse les épaules et répond «ce n'est pas mon problème... allez-voir ailleurs». Les gens ne se soucient guère des problèmes de leur communauté, de leur quartier, de leur pays, voire de leurs propres familles. Les commentaires des gens dans les endroits publics ne tournent qu'au tour de ce qu'une municipalité par exemple n'a pas réalisé. Ils ne commentent jamais un projet utile et nouveau dans leur quartier ou ville. Ces choses-là passent inaperçues et ne suscitent même pas un petit commentaire positif. «On ne fait que critiquer du matin au soir. On critique ses dirigeants, son voisin, son ami, son coiffeur, l'épicier du coin, sa femme, ses enfants, ses proches. Pour l'Algérien, tout le monde est mauvais, sauf lui, bien sûr...», commente un jeune chômeur rencontré dans un café à Alger qui reconnaît que lui-même, en faisant cette remarque, n'a fait, en fait, que «critiquer les autres». «Après moi, c'est la fin du monde», assume-t-il, toutefois. Si l'on demande à un ami par exemple comment il va, on ne le saura jamais tellement sa réponse est vague, souvent froide. Il se contente de deux mots : «Oui ça pourrait aller ...». Au conditionnel, bien entendu. «Car lui-même ne sait pas s'il va bien ou pas. Il ne sait pas ce qu'il veut. Il n'a pas de but précis… Tout est vague dans sa tête», explique Berkane Hayat, sociologue au centre de préparation sportive militaire de Ben Aknoun. Concernant la tendance générale au négativisme chez les Algériens elle affirme que «certains, racontent un problème, un fait divers négatif ou une mauvaise nouvelle pour se soulager psychologiquement et se faire accepter par son entourage qui parle le même langage négatif que lui. Sinon, s'il parle de bonnes choses, les gens le prennent pour un «taré» qui se fait encore des illusions et garde encore espoir en dépit des conditions socioéconomiques désastreuses de notre pays. Autrement dit, la société le prendrait pour un naïf, un profane...»