Résumé de la 1re partie n Etienne Pellot capitaine du «Flibustier», un navire corsaire, vient de se faire arrêter par une frégate anglaise. Lui et son équipage sont alors emprisonnés dans un château fort de Folkestone... Heureusement, il y a Pellot, qui pour réconforter son équipage déploie tous ses talents. Il a une façon de gesticuler qu'on ne voit que dans les meilleurs numéros de cirque. Il est capable de se donner à lui-même des coups de pied dans le derrière, de pleurer et de ricaner en même temps, et il agrémente ses contorsions de plaisanteries, tant en français qu'en anglais, qui sont absolument inénarrables. A un tel point qu'il fait rire non seulement son équipage, qui, grâce à lui, trouve le temps moins long, mais aussi ses geôliers, qui s'ennuient presque autant que les prisonniers dans ce décor sinistre. Les soldats chargés de le surveiller rient à gorge déployée de ses facéties et, plus d'une fois, d'autres factionnaires quittent leur poste pour profiter de son numéro. Un jour, il se met à sauter devant les murs comme un forcené. Un Anglais lui demande la raison de son manège : — C'est que, lui répond-il, en lui désignant le chemin de ronde, j'aimerais aller là-haut pour voir si les Anglaises sont aussi jolies que les Françaises. Un éclat de rire général salue sa réplique. Et, justement, il lui semble discerner, à mi-hauteur de la muraille derrière une meurtrière, un visage de femme, un beau visage, autant que la distance lui permette d'en juger. Il s'adresse à la sentinelle : — Qui est-ce ? — Lady Wanley, la femme de sir Thomas Wanley, le gouverneur de la forteresse. — Elle a l'air de s'ennuyer. — Dame... Que lady Wanley s'ennuie, Etienne Pellot le comprend parfaitement. Il ne l'avait jamais vue, mais il a croisé plus d'une fois son mari. Sans doute pour oublier la tristesse des lieux, il est ivre du matin au soir. Chaque fois qu'il l'a rencontré, l'Anglais titubait et empestait l'alcool à trois pas. Dans ces conditions, sa malheureuse épouse doit littéralement dépérir. Et, avec ses pitreries, il est peut-être sa seule distraction. A partir de ce moment Etienne Pellot comprend qu'il a peut-être une chance de sortir de ces lieux. Les jours suivants, il continue son numéro, en tenant compte de ce nouveau public féminin et aristocratique. Il y ajoute des chansons anglaises, qu'il chante d'ailleurs d'une fort belle voix. Et, chaque jour, il peut constater que le beau visage est là, attentif, derrière la meurtrière. Tant et si bien qu'un jour la sentinelle vient le chercher dans sa cellule. — Suivez-moi des les appartements du gouverneur. — Le gouverneur veut me voir ? — Non, lady Wanley... Lady Wanley est effectivement là, dans la grande salle du château à l'immense cheminée qui lui sert de salon. Elle n'est pas seule. D'autres dames et messieurs, des militaires comme des civils sont assis sur des fauteuils. Il doit s'agir des officiers de la garnison et d'une partie des notables de Folkestone. Lady Wan-ley prend la parole avec un charmant accent : — Cher monsieur Pellot, je vous remercie d'être venu. — Que puis-je faire pour vous, madame ? — Faites-nous rire... Inutile de dire qu'Etienne Pellot se surpasse. Il débite tout son répertoire et il en rajoute encore. Il est plus que drôle, il est impayable. Il fait un triomphe. Il n'y a, en fait, qu'une seule fausse note lors de cette représentation. Tandis qu'éclatent les bravos, on voit arriver sir Thomas Wanley, la démarche titubante et la perruque de travers, qui devait cuver son vin dans une pièce à côté. Il s'adresse à lui en butant sur les mots. (à suivre...)