Il s'avère, encore une fois, que le manque de coordination entre différents ministères et l'absence de complémentarité entre les politiques sectorielles risquent d'avoir des retombées négatives sur notre pays. C'est le cas pour l'urbanisme et l'eau. La politique suivie pour le premier ne prenant pas en compte les capacités du pays pour le second. L'improvisation et l'absence de réflexion à long terme sont déplorées par les experts. C'est le constat du professeur Mekki Messahel, chercheur, gouverneur du Conseil mondial de l'eau pour l'Algérie fait en marge de la tenue du 3e Colloque international sur la gestion des ressources en eau (Cigre) qui se tient depuis hier à Tipaza. Le professeur s'est désolé de l'absence d'une politique d'aménagement du territoire par rapport à la gestion des eaux et en fonction des qualités d'eau disponible. «On est en train de lutter politiquement au Conseil mondial de l'eau pour expliquer aux politiques et aux décideurs pourquoi on les regroupe tous les 3 ans pour les inciter à réfléchir et à suivre certaines recommandations. On est en train de construire des villes par exemple, mais nous sommes menacés en parallèle par la mauvaise qualité de l'eau en raison de l'absence d'études et de politiques d'aménagement», a-t-il souligné. La place de la gestion intégrée des ressources en eau dans l'accès à l'eau et à l'assainissement est mise en lumière par ce colloque international de deux jours qu'organise l'Ecole nationale supérieure de l'hydraulique (Ensh) avec la participation de quelque 300 chercheurs algériens et scientifiques spécialisés dans le domaine de l'eau. Le Pr Mohamed Saïd Benhafid, président du colloque (Cigre) voit que la participation de l'Etat, de la société civile et du secteur privé peut être sollicitée en vue de l'amélioration de la rentabilité de l'eau. Sa communication a porté sur «le choix de la distribution, de la disponibilité et de la régénération de l'eau». Selon lui, les mesures doivent être adaptées au cas par cas selon la situation socioculturelle, économique et écologique locale et tenir compte des possibilités de changement dans le temps. «Les modifications perçues à travers les changements climatiques, l'extension des phénomènes de désertification et les impacts néfastes qui en résultent commencent à se manifester sur notre planète», a-t-il souligné. Le Pr Messahel, pour sa part, n'a pas omis de rappeler que l'Algérie a quand même fait un grand pas en matière de mise en œuvre de la politique de l'eau notamment depuis l'année 2000 avec la création du ministère chargé des Ressources en eau, le code de l'eau de 2005 et la mobilisation de sommes colossales pour la lutte contre la sécheresse. Le colloque, pour sa part, a débattu de trois thématiques importantes, à savoir la gestion intégrée des ressources en eau, la réutilisation des eaux non conventionnelles et l'impact de l'eau sur l'environnement. La participation de 300 chercheurs universitaires et gestionnaires constitue un échange d'expériences et une meilleure connaissance de moyens «pouvant être mises en œuvre pour mieux optimiser…, mieux gérer», selon M. Benhafid, le président du colloque. Le président du Conseil mondial de l'eau, Loïc Fauchon, a indiqué, en marge du colloque, que l'Algérie est l'un des pays du monde où de grands efforts ont été faits pour l'eau et l'assainissement. «L'Algérie a choisi de diversifier ses ressources conventionnelles et non conventionnelles. C'est une politique claire et globale ce qui n'est pas le cas de certains pays. L'Algérie demain, va être capable d'augmenter sa quantité de ressources disponibles pour la population et faire face à la fois à la croissance démographique, mais aussi à sa politique d'aménagement du territoire qui consiste à accroître le peuplement sur les Hauts Plateaux et à développer les villes en régions sahariennes», a-t-il souligné, en appelant au sens civique et citoyen des populations pour l'économie de l'eau et éviter le gaspillage. «En tant que président aussi de la Société des eaux de Marseille à Constantine, nous avons mobilisé 20 équipes de chercheurs de fuites pour diminuer le gaspillage et chacun est responsable de signaler une fuite d'où la nécessité d'une politique de longue durée en direction des agents et à l'école.» l Le Pr Benhafid a souligné dans l'éditorial des publications du Cigre que la population mondiale a triplé au cours du XXe siècle, les besoins en eau ont sextuplé, 1/6e de la population mondiale n'a pas accès à l'eau potable et 1/3 n'est pas relié à des systèmes d'assainissement. 7 millions de personnes meurent, selon lui, de Maladie à transmission hydrique (MTH). En outre, les surfaces irriguées ont quintuplé durant le siècle passé et 70-80% de l'eau exploitée mondialement le sont dans le secteur de l'agriculture. Mais pour les pays en voie de développement, le Pr Benhafid estime que 70% des eaux usées sont déversées sans aucun traitement dans les cours d'eau. 50% des zones humides ont disparu durant le XXe siècle et 1/3 des bassins versants ont perdu jusqu'à 75% de leur surface forestière d'origine. «L'eau, facteur de paix non pas de guerre» l «Aujourd'hui, la communauté internationale essaye de peser de tout son poids pour qu'il y ait une partie de l'eau dessalée en Israël au profit de la population palestinienne», a indiqué le président du Conseil mondial de l'eau, Loïc Fauchon en marge du colloque sur la gestion de l'eau. La communauté internationale, selon lui, souhaiterait que sur les unités de dessalement d'eau de mer qui sont en Israël, un quota aille directement à la Palestine, notamment à la bande de Gaza. «Pour l'ensemble de la sous-région, à savoir la Jordanie, une partie du Liban, une partie de la Syrie, la Palestine et Israël, il y a évidemment des solutions communes. Il y a, à la fois, des coopérations quotidiennes et des projets qui existent pour pouvoir améliorer la situation de la mer Morte, de remonter l'eau et de la dessaler pour permettre la réutilisation aussi des eaux du Jourdain qui bénéficieraient à la fois à la Jordanie, à la Palestine et à Israël».Selon lui, d'après un audit qu'il avait fait il y a 12 ans à la bande de Gaza, il n'y a de solutions que régionales et collectives pour arriver à la paix.«L'eau doit être un facteur de paix non pas de guerre». Le Pr Messahel, quant à lui, «s'est désolé de constater sur la base d'experts palestiniens que le mur de la honte construit par Israël ne soit pas une question de territoire, mais d'eau. Le mur a été construit sur une nappe d'eau souterraine de telle manière qu'il a laissé une petite quantité d'eau aux Palestiniens qui ne peuvent pomper que d'insuffisantes quantités».