Deux voleurs habitaient le même village situé au bord du fleuve. Ils faisaient équipe depuis longtemps, mais ils n'avaient aucune confiance l'un envers l'autre. Un jour, en fin d'après-midi, l'un des voleurs aperçut une caravane qui approchait du village. Il appela son camarade et lui dit : — Des marchands arrivent. Tâchons de trouver un moyen pour leur voler quelque chose. Les marchands venaient de loin et ils étaient très fatigués. Ils firent donc étape dans le village. Ils entravèrent leurs chameaux et, après un dîner frugal, allèrent se coucher. Dès que les marchands furent endormis, les deux voleurs s'approchèrent en silence des chameaux et assommèrent le gardien. Ils détachèrent deux animaux qu'ils conduisirent près d'un puits tari se trouvant en dehors du village. Et ils déchargèrent les balles de marchandises qu'ils portaient. Puis ils fouettèrent les flancs des chameaux qui prirent la fuite et allèrent se perdre dans la brousse. Les deux voleurs jetèrent ensuite au fond du puits les balles de marchandises qu'ils avaient dérobées. Et ils retournèrent au village où ils ne firent aucun bruit pour éviter de se faire repérer. Plusieurs semaines s'écoulèrent, durant lesquelles ils s'abstinrent de retourner au puits tari. Lorsque les habitants du village cessèrent de parler du vol, qui avait fait grand bruit, les deux voleurs estimèrent qu'ils pouvaient songer à revendre les marchandises. Un matin, ils se rendirent donc au puits tari avant le lever du jour. Dès que les premières lueurs du soleil enflammèrent l'horizon, un des voleurs dit à son camarade : — Descends dans le puits à l'aide de cette corde dont je vais tenir le bout. Dès que tu seras parvenu au fond, tu accrocheras successivement les autres balles de marchandises à la corde afin que je les hisse. — Très bien, répondit l'autre. Le voleur d'en haut remonta la première balle de marchandises Puis la seconde et la troisième. Lorsque arriva le moment d'accrocher à la corde la quatrième balle, le voleur d'en bas, qui était prudent, préféra remonter en même temps qu'elle. Aussi se cacha-t-il dans cette dernière balle. — Tu vas devoir tirer très fort, cria-t-il à son camarade, car cette balle est la plus lourde des quatre. — D'accord ! répondit l'autre. Et il tira sur la corde de toutes ses forces. Dès que la dernière balle fut remontée, le voleur d'en haut décida de garder pour lui toutes les marchandises. Persuadé que son camarade se trouvait toujours au fond, il saisit une grosse pierre qu'il jeta dans le puits. La pierre alla se fracasser au fond du puits en résonnant. Le voleur d'en haut tendit ensuite l'oreille. Comme il n'entendait plus aucun bruit, il en déduisit que la pierre avait tué son camarade. C'est alors que le voleur d'en bas sortit de la balle de marchandises dans laquelle il s'était caché. — Traître ! hurla-t-il, tu voulais me tuer pour tout garder. — Non, dit l'autre. — Tu mens ! — Mais non ! Pourquoi as-tu jeté une grosse pierre au fond du puits ? demanda le voleur d'en bas en brandissant soudain un poignard. Le voleur d'en haut devint blême en apercevant l'arme dont la lame aiguisée brillait au soleil. — Epargne-moi, supplia-t-il. En échange, je te laisserai toutes les marchandises. Le voleur d'en bas refusa. Il s'approcha pour poignarder son camarade qui saisit un bâton et réussit à le désarmer. Les deux hommes échangèrent ensuite des coups de poing et des coups de pied. Puis ils s'empoignèrent et roulèrent dans la poussière. Le corps-à-corps dura longtemps. Les deux hommes se battaient sans songer au danger que représentait le puits. Ils frappaient sans cesse, se rapprochant lentement du trou béant qu'aucune margelle ne protégeait. Ils finirent par tomber dans le puits où ils moururent tous les deux.