Carrière n Beihdja Rahal se rappelle son premier enregistrement, retrace son itinéraire, raconte sa passion pour la musique arabo-andalouse. InfoSoir : Vous êtes à votre 18e enregistrement. Comment expliquer autant d'albums ? Beihdja Rahal : Tant qu'il y a une demande du public et même des éditeurs, je continuerai à enregistrer et à compléter ma discographie. À quand remonte votre premier enregistrement ? J'ai fait mon premier enregistrement à Paris en 1995, le 2e et le 3e aussi. C'est à partir du 4e que j'ai commencé à enregistrer au studio d'El- Biar à Alger. C'était l'occasion pour moi de compléter mon orchestre par tous les instruments traditionnels et surtout d'avoir un ingénieur du son spécialisé dans la nouba çanaâ. Qu'est-ce qui vous a motivée à vous investir dans une telle entreprise, à savoir l'enregistrement du patrimoine andalou ? C'est juste la passion et l'amour pour cette musique, et pour un public de plus en plus fidèle et exigeant. J'ai été formé par des maîtres et professeurs connus dans le domaine classique andalou, c'est pour leur rendre hommage et perpétuer leur travail que je transmets à mon tour. Du 1er au 18e enregistrement quel enseignement avez-vous tiré ? Et quelle expérience tirez-vous aussi de votre longue et riche carrière ? La rigueur, le travail, le sérieux, l'honnêteté et le respect dans ce que l'on fait, sont les points forts de la réussite et la reconnaissance dans une carrière. Peut-on créer une nouvelle nouba, ou du moins élaborer une composition de type andalou ? Dans ce genre musical que j'ai choisi, il n'y a pas de place à l'improvisation, aux arrangements, à la composition ou à la création. Nous parlons d'un patrimoine national ancestral à préserver, je ne fais que l'interpréter tel qu'on me l'a transmis. D'autres ont composé des pièces inspirées de la nouba, pourquoi pas, mais nous ne sommes plus dans le patrimoine classique hérité depuis l'Andalousie arabo-musulmane. Vous refusez l'idée que la musique arabo-andalouse soit élitiste. Pour vous, elle doit être accessible à tous. Comment alors se fait votre travail de vulgarisation ? A chaque sortie d'un nouvel album, je suis dans les radios, à la télé, dans la presse écrite pour parler de son contenu et pour donner un maximum d'explications au public qui suit assidûment mon travail. Un livret, accompagnant le CD, contient la traduction, en français, de la poésie chantée. Elle est réalisée par un professeur de littérature arabe à Paris III, Saâdane Benbabaâli, qui est spécialiste du mouwachah andalou. Cette musique est un patrimoine national qui appartient à tous les Algériens, elle ne doit pas rester cloîtrée dans les trois plus grandes villes d'Algérie. C'est à nous, interprètes, de la faire découvrir et aimer à un public qui ne la connaît pas. Parlez-nous du livre sorti récemment aux éditions Barzakh ? Pourquoi un livre sur ce patrimoine ? La plume, la voix et le plectre est une étroite collaboration entre Saâdane Benbabaâli et moi-même. Nous avons réfléchi ensemble, il y a à peu près deux ans, à une manière de donner des explications aux non-initiés sur l'histoire de cette musique, la structure de la nouba, les poètes et poétesses, la poésie chantée... Depuis sa sortie, nous nous sommes rendu compte, avec notre éditeur Barzakh, que l'intérêt porté à ce genre d'ouvrage était très important, d'où l'idée de la préparation d'un deuxième. Vous entamerez incessamment une tournée. Qu'est ce que cela représente pour vous, sachant que les tournées sont souvent réservées à des artistes de la chanson actuelle ou raï, mais rarement à de la musique andalouse ? C'est une première pour moi et c'est un honneur et un grand privilège d'aller à la rencontre du public en dehors de la capitale. On m'a souvent reproché de ne chanter qu'à Alger. L'artiste ne peut organiser ses tournées, il faut l'aide d'un organisme spécialisé. La proposition m'a été faite cette fois-ci par l'O.N.C.I, je ne pouvais certainement pas la rater. Ma tournée a commencé par Alger, jeudi dernier, elle va se poursuivre par six autres villes : Boumerdès, Béjaïa, Médéa, Bordj Bou-Arréridj, Oum El-Bouaghi et Cherchell. Il n'y a pas que les musiques actuelles ou le raï qui marchent, la musique andalouse aussi, mais il faut un tapage médiatique. Il faut que chaque ville qui organise un événement musical, s'investisse pour passer l'information au public local. Sinon comment remplir les salles de concert ? Vous vivez en France. Pourquoi avez-vous choisi de vous y installer ? Le pays où je vis n'a pas d'importance, l'artiste n'a pas d'adresse. Il est représentant d'un genre musical ou d'un patrimoine culturel. S'il le fait convenablement, il devient ambassadeur de son pays. J'espère que par mon travail personnel, je contribue à la diffusion de la musique classique algérienne en Algérie et dans le monde. Parlez-nous de votre travail dans le domaine musical en France et de votre public. Des Français s'intéressent ils à la musique arabo-andalouse ? Je donne des cours de musique andalouse à Paris depuis plus de six ans à l'école algérienne par l'Elco (enseignement de la langue et culture d'origine). C'est un devoir de transmettre cette musique à la jeune génération, tout comme elle m'a été transmise. C'est de cette manière que nous allons la préserver. Le public français commence à bien connaître l'andalou grâce au grand nombre de concerts organisés en France et même en Europe. Lui aussi pose des questions, s'intéresse à la poésie andalouse, son histoire, les instruments traditionnels… Quelle sera votre prochaine nouba ? Je ne sais pas encore. Je viens à peine de commencer la promotion de l'album Nouba Sika, laissez-moi savourer ces moments de rencontre avec le public algérien. Enfin, quels sont vos projets ? Vous êtes sur un nouveau livre ? De quoi s'agit-il ? Et dans quel esprit vous le faites ? Je ne peux encore rien dire concernant le livre, je préfère attendre sa sortie pour en parler. Je peux en revanche, vous parler de concerts proches comme celui de Belgique prévu pour le 14 mars, en plus d'une rencontre-débat autour du livre, sorti en décembre 2008, dans la librairie Espace Noun à Alger le 2 mars à 15h.