Résumé de la 14e partie n Tommy et Tuppence se concertent sur les personnes qui logent à l'hôtel et essaient de trouver un suspect parmi eux... Que tu me coures après ? — Exactement. Je te cours après. Toi, tu te démènes pour m'échapper, mais, comme tu es le type même du mâle chevaleresque, tu n'y arrives pas toujours. J'ai déjà eu deux maris, et j'en traque un troisième. Tu joueras le rôle du malheureux veuf que je poursuis de mes assiduités. De temps en temps, je m'arrangerai pour te serrer dans les coins, pour t'entraîner dans des salons de thé, pour me pendre à tes basques quand tu te baladeras sur le front de mer. Tout le monde gloussera et trouvera ça tordant. — Ça ne paraît pas infaisable, grogna Tommy. — Il y a des siècles qu'on rigole du mâle traqué par la femelle, reprit Tuppence. Et ça va bien nous rendre service. Quand on nous verra ensemble, tout un chacun ricanera en douce et plaindra ce pauvre vieux Meadowes. Tommy agrippa soudain le bras de sa femme. — Regarde !... Regarde, là, devant nous ! A côté d'un abri, un jeune homme et une jeune fille étaient en grande conversation. A leur air grave, on comprenait qu'ils étaient tout entiers absorbés par leurs propos. — Karl von Deinim, souffla Tuppence. Mais je me demande bien qui est la fille. Qui qu'elle soit, elle est remarquablement jolie. Tuppence acquiesça de la tête. Attentive, elle nota le visage passionné, au teint mat, et le pull-over ajusté qui mettait le corps en valeur. La fille parlait avec sérieux, en insistant. Karl von Deinim l'écoutait, attentif. — Je crois que c'est le moment ou jamais de nous séparer, murmura Tuppence. — D'accord. Ils adoptèrent des directions opposées. Au bout de la digue, Tommy croisa le major Bletchley qui, après l'avoir examiné d'un œil suspicieux, grommela une manière de «Bonjour». — Bonjour. — Je vois que vous êtes lève-tôt, comme moi, remarqua le major. — C'est une habitude qu'on prend là-bas, en Orient. Bien sûr, ça ne date pas d'hier, mais je continue à me réveiller aux aurores. — Et vous avez diablement raison, l'approuva le major. Sacrebleu, les jeunes d'aujourd'hui me rendent malade ! Bains chauds... apparition au petit déjeuner à 10 heures du matin, quand ça n'est pas plus tard. Pas étonnant que les Allemands aient pris le dessus ! Rien dans le ventre! Des freluquets, des ramollis ! De toute façon, l'armée, ce n'est plus ce que c'était. Maintenant, on les dorlote, voilà ce qu'on fait ! Tout juste si on ne les borde pas au lit avec des bouillottes ! Brrr !... Ils me rendent malade, je vous dis ! D'un geste plein de mélancolie, Tommy manifesta sa sympathie. Encouragé, le major reprit : — De la discipline, voilà ce qu'il nous faut. De la dis-ci-pli-ne. Comment voulez-vous gagner une guerre sans discipline ? Savez-vous, cher monsieur, qu'il y en a maintenant qui viennent aux prises d'armes en treillis ?... C'est en tout cas ce que je me suis laissé dire. On ne peut pas espérer gagner une guerre comme ça. En treillis ! Je vous demande un peu ! (à suivre...)