Il était une fois un homme riche, si riche qu'il aurait pu acheter la lune. Mais la méchanceté de cet homme était aussi grande que sa richesse. Il regardait avec dédain tous ceux qu'il rencontrait. En fait, il n'avait de respect pour rien ni personne. Chaque été, pendant les vacances, il allait passer quelques semaines dans sa maison de campagne, au bord du fleuve. C'était une luxueuse maison, remplie de meubles anciens et entourée d'un magnifique jardin où poussaient des fleurs toutes plus belles les unes que les autres. Ce jardin, il ne s'en occupait pas lui-même : il faisait appel aux services d'un pauvre bougre du coin, qu'il faisait travailler matin et soir pour un salaire si maigre qu'il n'aurait pas suffi à nourrir un chien. C'est ainsi que cette année-là, Mouloud, un pauvre pêcheur au chômage, avait été engagé. C'est le maire du village, son père, qui l'avait recommandé au riche homme. Et comme ce dernier voulait plaire, car il manigançait quelque affaire ? une fabrique de polluants, à ce qu'il paraît ? et souhaitait obtenir certaines faveurs, il avait promis au maire d?employer Mouloud tout l'été. «Tu te mets à l'ouvrage immédiatement, dit le riche homme. Je veux que dans une semaine toutes les fleurs soient épanouies. Et gare à toi ! Si ce n'est pas le cas, je ne te donnerai pas ton salaire.» Mouloud était très vaillant et mettait beaucoup de c?ur à l'ouvrage ; lui qui était pêcheur de métier, il savait ce que c'était que de gagner durement sa vie. Ainsi, du matin au soir, il binait et sarclait le sol, taillait et arrosait les plantes, et faisait tout ce qu'il fallait pour que les bourgeons éclatent et que le jardin resplendisse de fleurs multicolores. Tout cela, il le faisait en sifflant et en chantant. Un matin, alors qu'il s'occupait à tailler les rosiers, Mouloud entendit un cri : «A l'aide ! A l'aide ! Sauvez mon petit !» Mouloud regarda partout autour de lui, et vit, au pied d'une grande épinette, une tourterelle qui courait frénétiquement autour d'un tout petit ?uf. «A l'aide, criait la tourterelle, sauvez mon petit !» Mouloud courut après l'oiseau et lui demanda ce qui se passait. «Je viens tout juste de pondre un ?uf, mais je l'ai fait tomber du nid accidentellement. Si je ne l'y remets pas, je ne pourrai pas le couver et jamais il ne pourra éclore.» Mouloud lui dit gentiment : «Petite tourterelle, je vais t'aider.» Il prit l'?uf dans ses mains, se hisssa sur la pointe des pieds et le déposa délicatement au creux du nid qui se trouvait sur la branche la plus basse. «Merci ! Merci mille fois !, dit la tourterelle. Si un jour tu as besoin d'aide, à mon tour, je viendrai à ton secours.» Le méchant homme, qui avait assisté à la scène, s'approcha de Mouloud et lui dit sèchement : «Je ne te paye pas pour voler au secours des oiseaux mais pour t'occuper du jardin. Remets-toi à l'ouvrage immédiatement. Et gare à toi ! Si je t'y reprends, je ne te donnerai pas ton salaire.» Tandis que Mouloud retournait au jardin, le méchant homme plongea la main dans le nid, se saisit de l'?uf fraîchement pondu et alla se le faire cuire à la cuisine. (à suivre...)