Portrait n Ceux qui le connaissent disent de lui qu'il est fainéant et que pour tout l'or du monde, il ne travaillerait pas «pour la simple et bonne raison qu'il en est incapable». A bientôt 52 ans, Amar, puisque c'est de lui qu'il s'agit, se retrouve sans aucune ressource. Sans l'aide de ses proches, il aurait été certainement amené à mendier pour subvenir à ses besoins. Pourtant, rien ne prédestinait cet homme chétif à une telle situation. Fils d'un émigré qui a travaillé toute sa vie en France, il avait tout pour réussir. «Enfant déjà, il avait droit à tout», témoigne son cousin qui l'aide du mieux qu'il peut. «Mais ce n'est pas évident, croyez-moi, il n'a pas un sou en poche et il est tout le temps dans le besoin», enchaîne-t-il sur un air qui en dit long sur l'embarras dans lequel il se trouve à chaque fois. «Sincèrement, je ne peux pas lui dire non, il me fait de la peine, car il n'a personne d'autre pour l'aider. Mais en même temps, j'ai une famille à charge et je ne peux pas répondre favorablement à toutes ses sollicitations.» Fils unique, Amar a toujours été pris en charge par son père qui l'aimait par-dessus tout. Il le chouchoutait tellement qu'il ne pouvait rien lui refuser. «Il lui envoyait de l'argent régulièrement.» De fait, Amar n'avait nullement besoin de travailler. Ainsi, après avoir échoué au baccalauréat, il décide de s'installer en France avec l'aide et le soutien de son père. Une fois là-bas, il sombre dans l'alcool et ses «dérivés». Incapable de faire face à ses dépenses plus que faramineuses, son père essaye, tant bien que mal, de le ramener à la raison. Mais rien n'y fit. Dès lors, il prend la décision de lui couper les vivres de sorte à le pousser à retourner au pays. Amar fait de la résistance pendant quelques semaines, mais il finit par lâcher prise et rentrer. Pour autant, son rythme de vie demeure le même : il continue à fréquenter les cabarets la nuit – en puisant dans l'argent que son père envoyait à sa mère – et à dormir pendant la journée. Pendant des années, «Amar aura vécu comme un roi, raconte son cousin. Rien ne pouvait lui donner à réfléchir, pas même la mort de sa mère, que Dieu ait son âme. Il ne pensait ni à chercher un travail ni à fonder un foyer. Son seul souci était de se faire plaisir sans fournir le moindre effort. Son père a beau essayer de le raisonner, en vain». Néanmoins, sa vie bascule subitement lorsque son père décède : «Il se retrouve, du jour au lendemain, seul et sans la moindre ressource. Curieusement, et au lieu d'aller chercher un job, il se met à vendre les biens qui lui ont été légués par son père.» Amar est, aujourd'hui, un homme perdu à jamais. Chômeur invétéré et célibataire endurci, il n'a même pas de quoi se nourrir. «C'est nous qui lui donnons à manger», affirme encore son cousin à qui il a récemment confié : «La plus grosse bêtise de ma vie, c'est de n'avoir pas travaillé dans ma jeunesse. Je me sens vraiment ridicule, car je n'ai jamais rendu heureux mes défunts parents.» Aux dernières nouvelles, Amar a tenté de se suicider en ingurgitant des psychotropes. Il a été sauvé in extremis après que ses voisins eurent donné l'alerte. Un chômage «d'insertion» n «Le chômage dans notre pays est un chômage d'insertion et non de retour au travail», selon Saïd Annane, qui occupait le poste de directeur général de l'emploi au département de Djamel Ould Abbas. Quelque 70% des demandeurs d'emploi en Algérie n'ont jamais travaillé, a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse qu'il a animée en mai 2006 à l'hôtel Sofitel, à Alger.