Il était une fois un homme qui aimait passionnément la chasse. Dès le point du jour il s'en allait, dans la forêt à la poursuite du gibier et ne rentrait qu'à la tombée de la nuit. Il prit un jour un perdreau vivant, qu'il ramena à la maison et le confia à sa femme en lui disant : — Prends bien soin de cet oiseau, et surtout veille à ce qu'il ne s'envole pas. Au printemps je m'en servirai comme appât pour attirer les perdrix. L'homme et la femme n'avaient qu'une fille. Comme elle s'ennuyait d'être toujours seule à la maison, elle demanda à sa mère de lui donner le perdreau pour jouer avec. La mère d'abord refusa, puis, devant les pleurs et les prières de sa fille, finit par céder, mais avec force recommandations : — Attache-lui à la patte une longue ficelle, ferme toutes les issues, pour que le perdreau ne puisse pas s'échapper, car, si tu le perds, ton père nous chassera de la maison toutes les deux. La petite fille promit de veiller très soigneusement sur le perdreau. Chaque matin elle le sortait de sa cage, s'enfermait avec lui dans une pièce et jouait jusqu'à ce qu'elle fût fatiguée. Un soir qu'elle venait pendant toute la journée de le faire courir, danser, voleter au bout de sa ficelle, une soif ardente s'empara d'elle. Elle ouvrit la porte pour aller boire et, frrr le perdreau s'engouffra dans l'issue qu'on lui avait ménagée et s'envola d'un trait, emportant la ficelle avec lui. Le soir, quand le chasseur rentra, sa femme lui servit à dîner, et il s'apprêtait à aller dormir quand il constata que le perdreau n'était plus à la place où il se trouvait ordinairement. — Vous avez changé de place à l'oiseau ? demanda-t-il. Sa femme resta figée de peur. — Eh bien, dit-il, qu'est-ce que tu as fait du perdreau ? Je ne le vois pas. Elle dut lui avouer la vérité. — Quoi ? s'écria le chasseur, furieux, je t'avais bien recommandé... — Ta fille avait soif. Elle n'a ouvert la porte qu'un tout petit instant — Elle a ouvert la porte, mais c'est toi qui lui as donné le perdreau. Puisque c'est ainsi, vous allez partir à sa recherche toutes les deux, et vous ne rentrerez que quand vous l'aurez retrouvé. La femme eut beau pleurer, prier, le mari ne voulut rien entendre. — Vous allez sortir tout de suite — Dehors il fait nuit. Où irons-nous ? Nous ne connaissons pas le pays, ni ta fille ni moi. Demain, dès le point du jour... — Non, cria le chasseur, maintenant ! La femme réveilla sa fille, elle enferma vite quelques maigres provisions dans un nouet (baluchon) et elles partirent dans la nuit. Elles marchèrent longtemps dans la forêt. Elles suivaient les chemins tracés, de peur de tomber sur des bêtes sauvages, mais elles ne virent de perdreau nulle part à cette heure de la nuit. A la fin elles entrèrent dans un maquis épais, où elles rencontrèrent une hase (femelle du lièvre) affairée.