Constat n Créer une maison d'édition en Algérie et s'y consacrer relève littéralement d'un véritable défi tant les obstacles sont nombreux. L'édition en Algérie se révèle un métier difficile, harassant et parfois ingrat. Les difficultés sont nombreuses autant sur le plan financier, technique que social. «Effectivement, créer une maison d'édition est une véritable aventure», atteste Radia Abed des éditions Sédia. Et de renchérir : «On le fait par passion. Mais c'est un métier difficile dans un pays où la lecture et le livre ne sont pas une priorité. Il nécessite de la trésorerie et des financements extérieurs mais malheureusement nos banques ne suivent pas et l'Etat ne soutient pas l'édition en Algérie comme c'est le cas dans de nombreux pays, tels que la Tunisie qui soutient ses éditeurs par le biais des subventions sur papier, ou tels que la France, et ce, grâce aux aides à la publication, à l'achat des livres par les bibliothèques municipales…» Interrogé sur ce qui fait que l'édition exige autant de financement, Radia Abed souligne : «Si l'édition demande autant de financement, c'est parce qu'on vend les livres – en moyenne – sur deux années alors que nous devons payer nos fournisseurs dans les 3 mois qui suivent la publication d'un livre. Nous vivons un important décalage que nous avons beaucoup de mal à supporter.» Toutes les difficultés et entraves auxquelles est confrontée l'édition algérienne font que cette dernière n'évolue pas, ne se diversifie pas. Elle se résume à quelques publications, occasionnelles, voire circonstancielles pour certaines. Autrement dit : «L'édition algérienne, et ce contrairement à ce qui se fait dans les pays jouissant d'une longue tradition éditoriale, n'est pas spécialisée ou thématique. Toutes sont généralistes». «Une maison d'édition spécialisée n'est pas viable», dira notre interlocutrice des éditions Sédia, avant d'expliquer : «Car le marché est trop étroit. Nous avons donc tous besoin de ratisser plus large pour toucher un maximum de lecteurs.» Toutefois elle estime que depuis quelques années, l'édition algérienne enregistre une évolution dans ce sens et tend vers la spécialisation. «Il y a des maisons qui ont une image d'éditeur de littérature, d'autres d'essais historiques ou de biographies, d'autres encore de jeunesse… mais aucune n'est véritablement exclusive.»Cependant, «se spécialiser en Algérie est un risque. Nous aimerions tant n'être qu'éditeur éducatif ou de jeunesse ! mais le marché n'est pas assez mûr aujourd'hui pour cela.» Les éditions algériennes Sedia sont une filiale du groupe français Hachette Livre. «L'idée initiale a émané d'Hachette - livre en 2000 lorsque le groupe a décidé d'installer une maison d'édition devant répondre aux besoins en manuels scolaires publics». «Depuis, dit Radia Abed, comme tout le monde le sait, le marché du livre scolaire a été réattribué de facto à l'Onps (Office national des publications scolaires) qui, à ce jour, en a le monopole. Après toutes ces péripéties, nous avons alors décidé de nous ouvrir à d'autres types de publications, à savoir le parascolaire, la littérature et, depuis peu, les essais. l Nous avons pu observer que l'édition algérienne, outre l'absence d'une spécialisation dans un genre éditorial type, n'investit pas de manière à enrichir et à diversifier son champ éditorial. Très peu d'éditeurs se soucient de créer des collections. «Les maisons d'édition algériennes privées sont plutôt jeunes (une vingtaine d'années tout au plus)», rappelle Radia Abed. Et d'expliquer : «Créer des collections fait partie de la professionnalisation du métier.» «Depuis quelques années, poursuit-elle, certaines maison d'édition sortent du lot et ont une ligne éditoriale, des collections clairement définies et des maquettes reflétant l'image de la maison. Les autres devront impérativement suivre pour continuer à exister.» Et d'ajouter : «Créer une collection demande une réflexion en amont pour définir le concept de la collection et la charte graphique. Chaque collection doit avoir un cachet qui lui est propre et reconnaissable par les lecteurs, ce qui est le cas de Mosaïque ou Laurier aux éditions Sedia. La première rassemble les auteurs algériens publiés à l'étranger et la seconde des écrivains étrangers à succès. Ce sont des choix éditoriaux qui sont réfléchis avant même de choisir les titres à publier. Je pense qu'il est très important que chaque maison ait une identité et créer des collections y contribue très largement.» Pour un meilleur éclairage sur la question, lire demain notre entretien avec la responsable des éditions Barzakh, Selma Hellal.