Amateurisme La jeunesse est perçue partout comme une véritable richesse. Néanmoins, dans le secteur des transports, cet élément rime souvent avec manque d?expérience et surtout imprudence. Ceci n?est pas un jugement mais plutôt un constat. Pour en être convaincu, il suffit de faire un déplacement à bord d?un bus conduit par un jeune chauffeur. L?attitude et le mental de ces gens sont loin de coller au profil du parfait chauffeur. Tout d?abord, vous êtes accueillis par une musique assourdissante qui s?échappe de l?autoradio et dont le style est parfois à la limite de l?acceptable, ce qui pousse certains usagers à exiger d?interrompre ce tapage. Si le chauffeur s?exécute, ce n?est jamais avec gaieté. Un gobelet de café à la main, ceinture de sécurité non bouclée, il slalome entre les voitures à vive allure. Parfois, il est accompagné par des copains. Assis près de lui, comme s?ils étaient dans un café, la discussion va bon train : football et télé, rires et plaisanteries, la conduite devient secondaire. Le receveur, pour sa part, est encore plus jeune. Ceux qui sont recrutés pour ce poste doivent impérativement répondre à des critères bien précis. Timide s?abstenir. En effet, le receveur ne doit craindre personne. Langue bien pendue, arrogant, il parle sans réfléchir. Utilisant un langage de rue, il se croit le plus futé de tous. Parfois, il lui arrive de se disputer avec des gens qui ont l?âge de ses parents. Sans respect pour ses aînés, il pousse l'insolence à son paroxysme : «Je n?ai obligé personne à monter avec moi.» Une réplique qui laissera tout le monde pantois. Autre bizarrerie : quand deux bus conduits par de jeunes chauffeurs se croisent, ils marquent un arrêt pour échanger des propos. Le receveur, lui, descend pour aller narguer son vis-à-vis. C?est aussi une occasion pour se procurer de la monnaie. Parfois, il arrive que les deux chauffeurs changent de bus devant des passagers médusés. «Peu importe qui conduit, le plus important est d?arriver à destination», rétorque le receveur. Tout cela n?est malheureusement pas sans conséquence. En effet, alors que la moyenne d?âge des chauffeurs de bus en Algérie a considérablement baissé durant ces dernières années, le taux d?accidents de la circulation a connu, en revanche, une ascension fulgurante. Il suffit de voir l?état dans lequel sont leurs engins : pare-chocs défoncés, tôle rayée, pneus usés, moteur poussé à bout, ces bus sont de véritables épaves. Pourtant, la plupart ne dépassent pas cinq ou dix années de service ; à les voir, on leur en donnerait plus de vingt. Le passager, pour sa part, n?a pas droit de rouspéter : il est réduit à l?état de marchandise.