Adaptation n Face à une population en perpétuel mouvement, presque jamais en place, les mendiants ont été obligés de se faire à la nouvelle carte sociale de cette «transhumance». Ils opèrent là où il y a foule, là où les fans se regroupent, là où la masse est importante. Et spécialement dans les lieux où l'on est plus sensibles à la misère qu'ailleurs. Les cimetières par exemple. Ils en sont pleins les vendredis matin, il y a des mendiants dans chaque carré. Par respect des lieux, ils n'élèvent pas la voix, mais tendent une main muette à qui veut bien la remplir. Les hôpitaux aussi, du moins les CHU qui drainent quotidiennement du monde, beaucoup de monde. Pour le repos éternel d'un proche ou pour sa prompte guérison, de nombreux visiteurs n'hésitent pas à mettre la main à la poche. Selon des sources locales très fiables, il y aurait, certains vendredis, plus de mendiants au nouveau cimetière de Mostaganem, sur la route de Relizane, que de familles venues se recueillir sur la tombe d'un parent. Ce sont peut-être les mosquées qui attirent de plus en plus de mendiants, les vrais comme les faux. Certains parmi eux, les hommes surtout — poussent l'audace jusqu'à y pénétrer juste après la prière pour prendre à témoin tous les fidèles sur leur malheur passager. Quelques-uns se sont carrément partagé des secteurs «stratégiques» comme les gares routières par exemple où les gares de chemin de fer, même les stations de taxi interwilayas n'en sont pas exemptés. Curieusement, seuls les aéroports échappent au phénomène. Avez-vous vu des mendiants faire la manche, dans un aéroport, quel qu'il soit ? Les stades aussi, les terrains de jeux, les piscines, les salles des fêtes, les entreprises, les écoles, les universités. Curieusement, mais des mendiants sédentaires et casaniers existent. Ils ne bougent pratiquement jamais deÒ‹ chez eux. Non pas qu'ils soient malades, mais ils laissent le soin au bouche-à-oreille du quartier de faire la «publicité» pour eux. C'est bientôt toutes les bonnes volontés de la ville qui leur rendent visite pour les aider, qui par un couffin de fruits et légumes, qui par des vêtements en général usagés, qui, enfin, par un peu d'argent. A l'inverse de ces miséreux qui vivent grâce à la charité des autres et qui ne dérangent personne, d'autres mendiants, en revanche, font du porte-à-porte et passent dans tous les immeubles des cités.