Frange n Il existe un autre type de mendicité moins voyant, beaucoup plus feutré et qui touche une catégorie bien particulière de la population : ce qu'on appelle communément les «hdar». L'image du «hadri» est généralement flatteuse ; on dit qu'il est poli, tolérant, instruit. Il adore le chaâbi, évite de se faire remarquer et de se mêler de ce qui ne le regarde pas. On dit que la «hadria» est une hôtesse remarquable, une cuisinière hors-pair et une maîtresse de maison irréprochable. Elle est morte il y a quelques semaines entourée jusqu'à ses derniers moments par l'affection et l'amour des familles «hdar». Même chose pour le jeune. Il est originaire de Tlemcen-ville, «hdar» par excellence et même un modèle d'urbanité. Pour des raisons de travail, il s'est établi à Oran sa famille et lui. Le drame c'est qu'il a perdu son emploi au bout de quelques années. Il n'a aucune ressource. Sa seule planche de salut est de demander de l'aide et du secours. Il ne frappera pas à n'importe quelle porte comme un vulgaire laissé-pour-compte. Il s'adressera tout particulièrement aux gens bien établis originaires de Tlemcen qui connaissent parfaitement sa famille et son histoire ancestrale. Toujours bien habillé et aux petits soins. Sur cette image légèrement surfaite se superpose dans l'imaginaire populaire une autre image, tout aussi exagérée que la première à savoir que le «hdar» est riche ou tout au moins au-dessus du besoin. C'est faux. C'est même une grossière erreur dans la mesure où la pauvreté et la précarité font des victimes dans toutes les couches de la société que l'on soit «hdar» ou paysan, citadin ou villageois. Mais la différence entre le mendiant originaire, le mendiant lambda «hdar» (ou «hadri» les deux termes sont utilisés) est que ce dernier, par pudeur autant que par discrétion, ne réclame pas publiquement l'aumône, il est tout simplement pris en charge par sa communauté. Ces deux exemples d'un homme et d'une femme issus de deux régions différentes, toutes deux de tradition hdar, en sont la parfaite illustration. Cette femme dont on ne dévoilera pas l'identité, bien sûr, a toujours vécu à Mostaganem. Elle y est même née. Son enfance a toujours été bercée par les flots de la mer, les qeçayed de Maâzouz Bouadjadj, les poèmes religieux de Sidi Lakhder et surtout la plage de Kharouba où se rencontrent chaque été toutes les grandes familles de la ville dont certaines ont quatre siècles d'existence dans la cité. Elle est sans enfant et lorsque son mari meurt ce seront ses enfants d'un premier lit qui hériteront de la maison. Pour lui éviter les dangers de la rue auxquels elle n'est pas habituée, de grandes familles la prennent entièrement en charge, chacun à son tour. Elle va de l'une à l'autre au gré de ses désirs, quand elle le veut, et au moment qu'elle choisit. Elle y est toujours reçue avec plaisir, elle fait partie de la cellule des parents, on l'appelle même tata… Le miracle