Résumé de la 3e partie n Bruce Steel se remet de sa blessure et entreprend l'escalade de la montagne, il a pour seule nourriture des pissenlits et des perce-neige... Ce genre d'appareil (un biplace) n'est utilisé que pour l'instruction des recrues et la reconnaissance aérienne. C'est lui qu'on cherche, on ne l'a pas abandonné ! Il se met à hurler autant que ses forces le lui permettent, il fait de grands mouvements des bras ; dans un geste dérisoire, il agite même son mouchoir : peine perdue, l'avion s'éloigne et bientôt, il disparaît, il n'entend plus que le bruit de son moteur qui cesse à son tour. Cet espoir déçu est pire que tout. Son moral s'effondre d'un coup. Il sanglote. La fatigue, contre laquelle il ne cesse de lutter depuis le début, le terrasse brutalement. Il se laisse tomber au pied d'un arbre. Il est abandonné de tous, il est perdu. La veille, à la tombée de la nuit, il lui a semblé, dans la demi-obscurité, apercevoir un ours. Il n'a qu'à rester là et s'offrir en pâture à ses congénères. Mais non, il y a plus simple ! Il s'empare du colt dans sa poche. Il suffit de presser la détente et tout sera fini. C'est alors qu'il entend une voix, près du sapin qui lui fait face : — Tu n'as pas le droit ! C'est la voix de Vicky. Il sort sa photo de sa poche. Son sourire, pour la première fois, est teinté de reproche. Elle a l'air de lui dire : «Comment peux-tu me faire cela ? Je t'aime. J'ai besoin de toi.» Bruce Steel se lève, il essuie ses larmes et se met en route mécaniquement. Il reprend son chemin, toujours dans la même direction, selon ce qu'on lui a appris à l'instruction. C'est la seule manière de ne pas tourner en rond et se perdre. En allant tout droit, il sortira forcement un jour des montagnes Rocheuses. Il a choisi d'aller vers l'est, parce que c'est la direction où il allait, celle de Selma, celle de Vicky. Il continue ainsi pendant huit jours encore, dans la végétation des grandes altitudes, au milieu des sapins et de quelques rares plantes. A part l'ours qu'il a cru voir une fois, il ne rencontre pas un animal. Il ne mange toujours que des fleurs et des herbes, mais la faim le fait moins souffrir. Il reste lucide et il sait que c'est loin d'être bon signe. Son affaiblissement général fait que toutes ses sensations sont diminuées, même les douloureuses. Bientôt, il s'endormira pour ne plus se réveiller, ce sera le coma et la mort. Alors il parle, il parle à Vicky et il imagine ses réponses. Le soir, en s'allongeant, il place sa photo à côté de lui et il lui jure de se réveiller. C'est le 3 juin, date qu'il peut voir sur la montre d'aviateur perfectionnée qu'il porte au poignet, que se produit enfin l'événement qu'il attendait. Là-bas, droit devant lui, on dirait une maison ! Est-ce un mirage, est-ce son esprit qui s'égare avec l'épuisement ? Mais non, à mesure qu'il avance, la silhouette se précise c'est un chalet de montagne. Il est bientôt sur les lieux. Là, il découvre que ce n'est pas une habitation, c'est un refuge pour alpinistes égarés. La porte est entrouverte. Il la pousse. A l'intérieur, il y a un lit, une table, un banc et une pancarte : «Simpson Meadow, altitude 3 300 mètres.» Il y a aussi une petite armoire. Il se précipite, et c'est le miracle : elle contient une boîte de haricots, une boîte de hachis et une boîte de tomates. Il les ouvre fébrilement, puis il se souvient des prescriptions de l'armée : il ne faut pas trop manger après un long jeûne. D'ailleurs, il doit se rationner en prévision des jours à venir. Il se contente d'une petite cuillerée de chaque boîte, ce qui lui donne l'impression d'être aussi rassasié que s'il avait fait un festin. Après quoi, il se laisse tomber sur le lit et s'endort. C'est son premier vrai repas et son premier vrai sommeil depuis plus de trois semaines.(A suivre...)