partie n Un jeune roi, riche et très beau, est contraint de vivre sept années de malheur. Il troque son beau costume contre une tunique en haillons et une panse d'agneau. C'est sur sa vieille mule, qu'il monte à l'envers, la tunique en haillons et la tête couverte d'une panse et de boyaux d'agneau, que le roi fait son entrée dans ce pays inconnu. Il est si pitoyable et si repoussant que les enfants lui lancent des pierres. On l'a également surnommé Lagraâ Boukricha, c'est-à-dire «le chauve recouvert d'une panse». — Eh, c'est Lagraâ Boukricha ! Allons lui jeter les pierres. Mais le roi sait que ces persécutions font partie de ses années de malheur, il les supporte donc avec stoïcisme. Il mendie sur les routes, se nourrit de fruits et de baies sauvages, change à plusieurs reprises de pays. C'est ainsi qu'il arrive dans un royaume dont on dit le roi très puissant. Il se présente au palais et demande du travail. — Pouah, lui répond-on, qui voudrait employer un homme aussi répugnant que toi. — Je ne demanderai que le gîte et le couvert. Je n'exigerai aucun salaire ! — Non, tu es trop sale ! Mais la reine qui passait par là, a pitié de lui. — Donnez-lui donc un poste à l'écurie, il s'occupera des bêtes ! On le recrute donc. Il s'occupe des bêtes de somme et dort avec elles, sur la paille. Quand il a faim, il va demander des restes à la cuisine. — Avez-vous quelque chose à manger ? On le regarde avec répugnance. — N'approche pas ! — J'ai faim ! On lui jette les quignons de pain ou des os. — Va les manger ailleurs ! Un chien était mieux considéré que lui ! Le jeune roi, devenu Lagraâ Boukricha souffre de sa condition : mais il ne se plaint pas, il doit passer ses sept années de malheur… Parfois, la nuit, quand tout le monde dort, il quitte son écurie et va se promener dans les jardins. C'est là que se trouve le pavillon des filles du roi – elles sont sept – et chacune a un balcon qui donne sur le jardin. A chaque fois, il voit l'une des princesses, sortir prendre le frais. — Comme elle est belle ! murmure-t-il, à chaque fois. Les princesses sont, en effet, très belles, mais c'est la plus jeune qui fait battre son cœur. — C'est la femme qu'il me faut ! Jusqu'ici, il n'a pas pensé à se marier, mais cette fille lui plaît comme jamais aucun fille ne lui a plu. Il se regarde : cette tunique en haillons, cette panse et ces boyaux qui recouvrent sa tête, cette puanteur qui se dégage de sa personne… — Non, non, elle n'est pas pour moi ! Du moins, elle n'est pas pour Lagraâ Boukricha… Mais va-t-elle attendre qu'il retrouve sa condition de roi, riche et très beau ? Hélas, il ne peut même pas lui dire qui il est, ni le destin qui le poursuit (à suivre...)