Montré, hier, au Festival de Cannes, The time that remains d'Elia Suleiman raconte sur un mode intime et burlesque, la vie des Palestiniens depuis la naissance de l'Etat d'Israël. Pour la première fois à Cannes et en compétition, l'auteur d'Intervention divine (2006) ou de Cyber Palestine narre, dans son dernier film, la vie d'une famille palestinienne de Nazareth, sur plusieurs décennies. Sous-titré Chronique d'un absent présent, le film met en scène le cinéaste lui-même, de retour dans la maison de ses parents, et déroule en un long flash-back une histoire où politique et souvenirs intimes se mêlent. En 1948, peu après le partage de la Palestine décidé par les Nations unies et la proclamation de l'Etat d'Israël, Fuad (Saleh Bakri), son père, prend les armes pour combattre les soldats israéliens entrés dans sa ville, Nazareth. Roué de coups tandis que ses amis tombaient sous les balles israéliennes ou choisissaient l'exil, il est jeté du haut d'un ravin et laissé pour mort. On le retrouve des années plus tard, devenu citoyen israélien, marié et père d'un enfant, le petit Elia. The time that remains relate le quotidien tragicomique de ces Israéliens arabes, traités comme une minorité dans ce qui fut leur pays, contrôlés par la police et forcés de montrer leurs papiers lors de parties de pêche nocturnes. Dans un décor d'appartement occidentalisé, stylisé, aux teintes pastel, Elia Suleiman orchestre des scènes délicatement chorégraphiées et souvent muettes, qui ont la saveur des grands films burlesques du début du siècle. A la manière d'un caricaturiste politique, Suleiman exprime l'absurdité du quotidien des Palestiniens depuis l'occupation israélienne, résumant les enjeux géopolitiques avec une grande finesse et un sens aigu de la dérision. Ainsi, lorsqu'une jeune femme passe avec sa poussette, entre des chars israéliens et des jeunes Palestiniens qui leur jettent des pierres, un soldat lui lance «Rentre chez toi !» et elle réplique «Toi, rentre chez toi !». Malgré des longueurs, la poésie et l'humanité du film séduisent.