Projet d'union pour la Méditerranée et coopération mutuelle. Les formules sont soigneusement choisies pour annoncer la visite qu'effectue aujourd'hui le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, à Alger. Avant qu'elle ne soit annoncée vendredi dernier par la porte-parole du Quai d'Orsay, le ministère français des Affaires étrangères, la visite de Kouchner avait commencé à susciter un début de polémique. La controverse, entamée par un site Internet, est vite reprise par certains médias nationaux, malgré le démenti de l'ambassade de France qui avance un simple problème de calendrier. «L'ambassade a toujours raison», a confirmé mardi dernier Michèle Alliot-Marie, ministre française de l'Intérieur, en visite à Alger, tout en annonçant la venue «prochainement» de son collègue. Mais à voir de près, la polémique est en réalité inspirée d'abord par le comportement de Kouchner et, ensuite, la confusion qui entoure jusqu'à présent le projet de l'union pour la Méditerranée. Les déclarations inconvenantes du ministre français des Affaires étrangères et européennes à propos du ministre algérien des Moudjahidine, lors de la visite d'Etat de Nicolas Sarkozy au mois de décembre dernier, ont, en effet, ajouté de l'huile sur le feu d'une relation en dents de scie. Mais le problème est beaucoup plus politique. Certaines indiscrétions avancent que l'Algérie serait furieuse à l'idée de voir que le gâteau de la future union pour la Méditerranée est déjà partagé entre plusieurs pays de la région. On parle du Maroc, de la Tunisie et de l'Egypte. Mais pas de l'Algérie. La seule réponse du côté français a été faite par Alliot-Marie qui indique que l'Algérie «est un grand pays et aura naturellement un grand rôle à jouer» dans le cadre de l'union pour la Méditerranée. Nicolas Sarkozy, lui-même, lors de sa dernière visite d'Etat à Alger du 3 au 5 décembre 2007, avait souhaité que l'union pour la Méditerranée se base sur «l'amitié franco-algérienne» comme l'Union européenne s'est faite sur l'axe Paris-Berlin. Le communiqué du ministère français des Affaires Etrangères a aussi précisé le contour de la visite de Kouchner et insisté sur le rôle que jouera l'Algérie dans le futur ensemble qui se formera autour de la Méditerranée. «Le principal objectif de ce déplacement est d'aborder avec nos partenaires algériens le dossier de l'union pour la Méditerranée, dont l'Algérie doit être un acteur majeur», précise le document. Cela étant, le projet de l'union pour la Méditerranée est toujours à l'état embryonnaire une année après avoir été annoncé par le chef de l'Etat français. Il aura fallu plusieurs mois à Nicolas Sarkozy pour convaincre, d'abord, ses partenaires de l'Union européenne avant de s'orienter vers le Sud. Une partie des pays de la rive sud ont donné un accord de principe, à l'image de l'Egypte dont le Président s'est rendu en France le mois de mars dernier. Mais le pays de Moubarak souhaite que «les pays arabes concernés par le processus de Barcelone» se concertent avant de prendre une décision. Quant à l'Algérie, la position est toujours nuancée. Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères, avait déclaré au mois de février dernier à Bruxelles que le projet doit «se baser sur des actes concrets». Autant dire que l'Algérie n'a pas encore adopté une position définitive. L'autre sujet inscrit à l'ordre du jour de la visite du chef de la diplomatie française est celui de la relation bilatérale. Le communiqué du Quai d'Orsay parle de l'évaluation de la coopération entre les deux pays six mois après la visite de Nicolas Sarkozy. Au cours de cette visite d'Etat, de nombreux points, notamment économiques, avaient été abordés et d'innombrables contrats, essentiellement commerciaux, avaient été signés. La visite du ministre français, connu pour être champion de l'ingérence humanitaire, intervient également quelques jours seulement après la commémoration du 63ème anniversaire des massacres de mai 1945. La valise de Bernard Kouchner comportera-t-elle de nouveaux habits ? On le verra aujourd'hui. A. B.