Rabat a décidé de rappeler son ambassadeur à Alger pour consultations. En termes diplomatiques, une telle action s'apparente à un tir de sommation avant la rupture des relations diplomatiques. Après avoir décidé de jouer l'apaisement pour signifier son refus de répondre aux dérives du Maroc, Alger a été contrainte de convoquer le chargé d'Affaires du Royaume du Maroc, hier soir au siège du ministère des Affaires étrangères, où des explications circonstanciées lui ont été demandées sur la violation du Consulat général d'Algérie à Casablanca qui a été la cible d'une violation de l'enceinte consulaire et l'arrachage du drapeau algérien par un jeune faisant partie d'un groupe de manifestants qui s'était rassemblé devant le consulat en scandant des slogans hostiles à l'Algérie. Quant à la raison du rappel de l'ambassadeur marocain, c'est évidemment la position archi-connue et maintes fois rappelée de l'Algérie vis-à-vis du problème maroco-sahraoui. Qu'Alger défende la nécessité d'un mécanisme international de suivi et de surveillance des droits de l'Homme au Sahara occidental occupé n'est ni une nouveauté ni une provocation. Cette position rejoint d'ailleurs celle de la majorité des pays et de toutes les institutions internationales dont l'Union africaine et les Nations unies, dont l'envoyé spécial du Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, pour le Sahara occidental, l'Américain Christopher Ross, s'est dit inquiet de la situation des droits de l'Homme dans ce pays occupé, au point où il a demandé au Conseil de sécurité de se pencher dessus. Lors d'une réunion à huis clos tenue le 28 janvier dernier, M. Ross a, selon le journal espagnol El Païs, déclaré devant le Conseil de sécurité des Nations unies que «la question des droits de l'Homme occupera une place de choix dans le renouvellement du mandat de la Minurso, en avril prochain [...]. Le Conseil de sécurité va devoir s'occuper de la question et la soutenir», question qui d'ailleurs figurera dans le rapport que présentera, au mois d'avril prochain, Ban Ki-moon au Conseil de sécurité, lequel devra se prononcer sur le renouvellement de la Minurso. Rappelons que la mission onusienne devait se voir attribuer des compétences pour surveiller le respect des droits de l'Homme, en 2006, après la publication du rapport accablant du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme sur la situation au Sahara occidental. Mais la France, qui a des visées économiques où les droits de l'Homme peuvent constituer un élément de blocage, avait opposé son véto pour plaire à l'ami marocain. La Minurso est actuellement la seule force de paix des Nations unies qui ne dispose pas de ces compétences. Christopher Ross n'est pas le seul à s'alarmer des atteintes aux droits de l'Homme et violations des libertés dans les territoires sahraouis occupés par le Maroc. Le rapport établi en septembre dernier par le département d'Etat américain est tout aussi critique vis-à-vis du Maroc. Ce rapport est exigé par une loi adoptée en 2011 par le Congrès américain qui stipule que toute aide financière, militaire notamment, est soumise à son établissement préalable par le département d'Etat et sa présentation au Congrès. Le rapport doit relever la situation des droits de l'Homme des Sahraouis et les mesures prises par le Maroc en matière de respect des droits des personnes d'exprimer pacifiquement leurs opinions concernant le statut et l'avenir du Sahara occidental. L'aide financière militaire américaine au Maroc est également conditionnée par le droit d'accès des organisations des droits de l'Homme, des journalistes et des représentants des gouvernements étrangers au Sahara occidental, sans aucune entrave et quelque nature que ce soit. «Le Sahara occidental est un territoire non autonome sur lequel le Maroc revendique la souveraineté, une position qui n'est pas acceptée par la communauté internationale», note le rapport du département de John Kerry qui, en fait rejoint, conforte et confirme tous les comptes-rendus et enquêtes élaborés par les ONG qui dénoncent tortures, violences, harcèlements, licenciements, mutations vers le Maroc, arrestations, disparitions, procès inéquitables... Tous ces rapports sont sur le Net et peuvent être consultés par tous. La situation des droits de l'Homme dans les territoires occupés du Sahara occidental et au Maroc a d'ailleurs été au centre des débats, le 4 octobre dernier, à la Chambre des représentants du Congrès américain qui avait étudié les rapports de plusieurs organisations internationales de défense des droits de l'Homme dont Amnesty International, Human Rights Watch et RF Kennedy Center. La parlementaire démocrate Betty McCollum dénoncera à ce propos «la poursuite des violations des droits de l'Homme par les forces de sécurité et la police secrète du roi Mohamed VI contre ceux qui appellent au droit à l'autodétermination des Sahraouis dans les territoires du Sahara occidental occupé, et contre ceux qui revendiquent des réformes politiques au Maroc». Cette situation est «clairement rapportée par les organisations des droits de l'Homme», ajoutera-t-elle. «Le roi Mohamed VI et son appareil de sécurité font preuve de défaillance en matière des droits de l'Homme à tel point que cela suscite l'attention de la communauté internationale [...]. Les autorités marocaines font peu de cas de la question des droits de l'homme [..]. Il est temps pour le Congrès d'évaluer la situation des droits de l'Homme au Maroc et de dire au roi Mohamed VI que les Américains attendent davantage de lui» en matière de respect de ces droits, conclut la parlementaire. Le Maroc n'a pourtant pas rappelé son ambassadeur à Washington pour consultations, actionné ses relais politiques et médiatiques pour diaboliser Alger ni manœuvré pour provoquer le casus-belli qui lui permettra de passer du statut de colonisateur à celui de victime. Bien au contraire, Mohamed VI se prépare même à se rendre aux Etats-Unis, le 13 novembre prochain, pour plaider sa cause et essayer d'arrondir les coins, comme il l'a fait avec la France. Mais personne n'est dupe. Le problème du Maroc n'est pas l'Algérie, mais sa politique expansionniste qu'elle mène en violation du droit international, qui relève des attributions et de la responsabilité des Nations unies. L'Algérie peut faire partie de la solution, mais en aucun cas du problème. «L'Algérie, en ce qui la concerne, maintient en place l'ensemble de ses missions diplomatiques et consulaires dans le royaume du Maroc, ainsi que les chefs desdites missions qui poursuivent normalement leurs activités. Elle forme le ferme espoir que cet épisode malheureux dans le cours des relations algéro-macoraines pourra être contenu dans sa juste dimension et être rapidement dépassé.» Telle est la réponse officielle d'Alger à la dernière manœuvre de Rabat. H. G.