Imaginons les institutions culturelles de la capitale, les associations, les agents sociaux et les spécialistes ès qualités travaillant de concert, en parfaite harmonie, pour offrir à la demande aux habitants des 57 communes de la wilaya d'Alger un produit culturel de bonne facture. Un tel partenariat et un travail de collaboration de cette ampleur et de cette qualité relèvent du domaine de l'onirique, ce serait du jamais-vu. Ça n'a pas pour autant découragé le directeur de l'Etablissement Arts et Culture de la wilaya d'Alger, Redouane Mohamedi. Bien au contraire, il s'est attaqué de front à la concrétisation de cette union sacrée pour la culture par tous et pour tous. Il s'y est même attelé depuis belle lurette. L'Etablissement a ainsi contacté les 57 APC que compte la wilaya et s'est mis à leur disposition pour toute action ou projet pouvant promouvoir la culture de proximité. Seules 54 communes ont répondu, si tant est qu'on puisse appeler «réponse» l'ouverture d'une médiathèque pour toute une commune ! Ce manque d'implication, de sens de la responsabilité et d'initiative, n'a pas pour autant découragé M. Mohamedi qui poursuivra le forcing. Mieux, il élargira son rayon d'action aux autres responsables locaux. A l'occasion du dixième anniversaire de l'Etablissement Arts et Culture, fin décembre dernier, il a décidé de marquer une petite pause pour faire le bilan et, dans la mesure du possible, tracer des perspectives non pas seulement pour l'Etablissement mais aussi pour la culture urbaine dans la capitale. Pour ce faire, des invitations personnelles ont été adressées aux responsables des institutions culturelles de la capitale, aux médias et aux agents sociaux pour qu'ils participent au débat avec l'objectif de parvenir à conjuguer tous les efforts et réunir toutes les potentialités pour l'établissement d'un partenariat productif. «Nous avons invité les responsables pour dire qu'il n'y a pas d'appropriation de la culture. Il s'agit de travailler en partenariat, dans le cadre d'une charte culturelle. Il s'agit aussi de donner leur part aux chercheurs, aux médias et aux agents sociaux pour la promotion de la culture. Il faut que nous définissions quelle culture nous voulons pour la ville, et quelle ville nous voulons», dira M. Mohamedi à l'assistance réunie dans l'auditorium du théâtre de Verdure. Mais les responsables (direction de la culture, ONCI, TNA notamment) qui, faut-il le signaler et le souligner, dépendent tous du ministère de la Culture, n'ont pas répondu à l'invite. Encore une fois, le responsable de l'Etablissement Arts et Culture, qui, lui, dépend de la wilaya, se retrouve seul à porter un méga projet culturel pour toute une wilaya et qui de ce fait concerne tous les responsables des différents secteurs et à tous les niveaux. M. Mohamedi a, pour exemple, défendu la nécessaire requalification des infrastructures et espaces culturels figés pour les adapter aux besoins et les faire revivre afin qu'ils puissent répondre à la demande. Une maison de la culture, un centre culturel, une maison des jeunes, une médiathèque ou un conservatoire ne peuvent être «gérés» par le gardien qui fait la pluie et le beau temps. «C'est là en fait que ça coince : l'environnement qui n'a pas suivi l'évolution de la ville et ne le suit toujours pas», dira M. Mohamedi. Meziane Ferhani, qu'on ne présente plus, présent dans la salle, ira dans le même sens et renchérira. L'homme de culture et journaliste plaidera pour la récupération des espaces culturels détournées à d'autres fins. Il citera, entre autres, le centre culturel d'Hydra transformé en musée de la Protection civile le centre culturel d'El Biar devenu siège du ministère du Tourisme, le petit théâtre de la rue Harriched qui, lui, est tout simplement abandonné à la ruine… Cela sans parler de ce qu'il appellera les «no culture land», ces villes-cités qui enserrent la capitale, et où il faut penser à créer des espaces culturels. «La ville s'est en fait déportée alors que les sites, infrastructures et espaces d'animation sont toujours concentrés dans l'ancienne ville», dira M. Ferhani pour étayer son propos. Et ce n'est là qu'une infime partie du chantier culturel qui doit être ouvert et des projets à initier, pour la capitale uniquement. C'est dire l'ampleur de la tâche, et l'incapacité d'un seul responsable à l'assumer, donc la nécessité d'un véritable partenariat élargi à tous les acteurs et institutions, le ministère de la Culture en tête, en charge de la culture, de l'aménagement du territoire, de la ville, de la jeunesse… Car, si la capitale peut constituer une locomotive pour la culture à mettre en branle, il s'agit aussi de s'occuper de tous les wagons qui devraient y être attelés, du combustible nécessaire à faire tourner la machine et des rails sur lesquels il faudra mettre la culture. H. G.