Un roi est-il propriétaire exclusif de son pays ? Il semblerait que le roi Mohamed VI est convaincu que son pays lui appartient tout comme l'avait déjà affirmé son défunt père Hassan II. Seulement Mohamed VI ne s'y prend ni en finesse ni avec l'intelligence qui caractérisait le précédent monarque alaouite. En moins de 10 ans de règne «le roi des pauvres», comme voulaient bien le croire ses sujets au début de son règne en 1999 s'est vite métamorphosé en «roi prédateur». C'est sur cette métamorphose que se sont penchés les deux journalistes Eric Laurent et Catherine Graciet dans leur ouvrage. Une enquête au cœur d'un royaume transformé par la volonté d'un roi avide en véritable propriété privée. Ce qui a mis la puce à l'oreille des deux journalistes d'investigation c'est bien le traditionnel classement des fortunes des monarques du magazine américain Forbes. Dans son classement, on découvre que la fortune du roi du Maroc a atteint les 2,5 milliards de dollars, bien devant d'autres monarchies plus riches à l'instar du Qatar. Les deux auteurs affirment qu'il s'agit en vérité d'un hold-up à l'encontre de l'économie de son pays. Catherine Graciet et Eric Laurent dans un livre-enquête interdit au Maroc, tirent au clair les origines de cette «main basse sur le Maroc». Le Roi prédateur - Main basse sur le Maroc des journalistes français Catherine Graciet et Eric Laurent est une enquête fouillée dans les arcanes du Makhzen. Les deux journalistes ont tenté de démêler l'écheveau de la «prédation royale». D'emblée Graciet et Laurent attestent que le monarque alaouite vit aux crochets de ses sujets. Pis. L'Etat subventionne les entreprises du roi qui se révèle être un véritable homme d'affaires. S'il n'est pas très intéressé par la politique, l'entreprenariat c'est son dada. Majesté. Aucun secteur n'échappe au pouvoir tentaculaire de Mohamed VI. «Depuis son accession au pouvoir, Mohammed VI a pris le contrôle de l'économie du Maroc dans l'arbitraire le plus absolu», écrivent Eric Laurent et Catherine Graciet. S'appuyant sur une législation taillée sur mesure, «Mohammed VI se voit verser chaque mois 40 000 dollars, un salaire royal dans tous les sens du terme (...) Les pensions et salaires royaux, d'un montant de 2,5 millions d'euros englobent les émoluments versés au frère du roi ainsi qu'à ses sœurs et aux princes proches». Des sommes faramineuses, à la limite de l'insulte pour la majorité de son peuple qui vivote dans la pauvreté. Mohamed VI ne se contente pas de ses pensions. Les douze palais et la trentaine de résidences dans lesquels travaillent plus de 1 200 personnes coûtent au trésor 1 million de dollar par jour. L'habillement de sa majesté vaut près de 2 millions d'euros par an. Son parc auto, vaut pour sa part, 6 millions d'euros. Somme toute la monarchie est totalement financée par le Trésor public. Ainsi on apprendra que le roi est actionnaire dans presque toutes les entreprises porteuses de l'économie marocaine. Selon l'enquête des deux journalistes français, il est «le premier banquier, le premier assureur, le premier agriculteur» du Maroc. Il détient des holdings dans «l'agroalimentaire, l'immobilier, la grande distribution, l'énergie, les télécoms». Ces révélations démontrent que le roi ainsi que ses proches amis Mounir Majidi, secrétaire particulier et grand argentier du Palais, et Fouad Ali El Himma, ministre délégué à l'Intérieur de 1999 à 2007 et conseiller au cabinet royal depuis décembre 2011, ont réussi à doubler la fortune royale en cinq ans. Cette puissance royale est assise avant tout sur une allégeance totale. Les journalistes soulignent aussi comment la France, allié perpétuel du royaume, a fait preuve d'une étonnante tolérance et indulgence face aux excès du pouvoir royal. L'intérêt de l'essai paru aux éditions le Seuil il y a quelques mois, est multiple. On y retrouve les parcours, les profils et le fonctionnement du premier cercle du monarque. On parvient à cerner la personnalité complexe d'un roi, calme et serein dans les apparences, mais secret et violent dans les faits. On y découvre aussi les procédés de montage des stratégies économiques et des campagnes de communication. La marocanisation des entreprises, la réduction des droits de douane du lait importé, la création du parti du PAM, le festival Mawazin, sont autant de techniques pour s'accaparer l'économie marocaine. Tout ceci, s'apparente à des opérations relevant du développement et de la démocratisation du pays mais qui ne visent, réellement, qu'un objectif : l'enrichissement et les caprices d'un roi de plus en plus vorace. De même, les fines analyses du système monarchique et des structures sociales marocaines révèlent les censures, les abus et les violences d'un pouvoir absolu et arbitraire, la soumission et la coopération du Makhzen, la culture de la docilité, la passivité des partis politiques et sans oublier les intrigues de cour. Le Roi prédateur - Main basse sur le Maroc des journalistes français Catherine Graciet et Eric, est une enquête à lire absolument. Un livre disponible dans les librairies algériennes. M. S. Le roi prédateur-Main basse sur le Maroc, Catherine Graciet et Eric Laurent, Editions le seuil 256 pages, 850 DA