Dès que le Conseil de sécurité des Nations unies a voté, jeudi dernier, à l'unanimité, la résolution autorisant le recours à la force, donnant mandat à la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (Misca) et autorisant les forces françaises en RCA «à prendre toutes les mesures nécessaires pour soutenir la Misca dans l'accomplissement de son mandat», François Hollande a annoncé, le soir même, le début de l'intervention française en Centrafrique. Cette intervention sera le sujet d'actualité qui, évidemment, nourrira commentaires et analyses. «C'est une opération militaire, mais aussi commerciale», dira le présentateur d'une chaîne d'informations française qui, pour soutenir son propos, exhibera un graphe montrant le fort repli que la France a enregistré, en dix ans, sur les marchés africains désormais dominés par les Etats-Unis, la Chine et l'Inde. Au cours des dix dernières années, la France a ainsi fortement reculé du premier au cinquième rang concernant les exportations en Afrique sub-saharienne, derrière la Chine, les Etats-Unis, l'Inde et même l'Allemagne. Ses parts de marché sont tombées à 4,7% en 2012, contre 10,1% en 2000. Et le décrochage est plus accentué dans les pays francophones où les compagnies françaises étaient très présentes, soutenues par une diplomatie qui avait fait de ces pays son pré-carré. Mais la crise économique et financière a changé la donne. Les pays émergeants et le continent africain affichent des taux de croissance «indécents» qui en font des marchés que se disputent les grandes économies, les Etats-Unis et la Chine en tête. Ainsi, à peine élu, le président chinois, Xi Jinping, s'est déplacé en Afrique (avant de se rendre au sommet des BRICS à Durban) où il a signé un grand nombre de contrats commerciaux et d'accords dans le domaine de l'énergie. Les échanges entre la Chine et l'Afrique ont dépassé les 200 milliards de dollars en 2012. L'offensive chinoise n'a pas tardé à faire réagir son concurrent direct, les Etats-Unis, dont le président, Barack Obama, fera également sa tournée africaine, en juin dernier. D'ailleurs, il ne manquera pas d'envoyer des piques en direction de la Chine et des autres pays émergeants qui lorgnent sur les marchés africains, tout en affirmant que ce n'est pas une bataille que livrent les Etats-Unis à ces pays avec lesquels ils tiennent à garder de bonnes relations économiques et politiques. M. Obama dira à ce propos qu'il observe avec bienveillance l'intérêt que portent les pays émergents comme «la Chine, le Brésil, l'Inde et la Turquie» à l'Afrique. «C'est une bonne chose que la Chine, l'Inde, la Turquie et d'autres pays, comme le Brésil, prêtent de plus en plus attention à l'Afrique», a-t-il déclaré. «Ce n'est pas un jeu à somme nulle. Ce n'est pas une ‘‘Guerre froide''. Il y a un marché mondial et, si les pays qui sont en train de devenir des pays à revenus moyens considèrent qu'il y a des opportunités pour eux en Afrique, cela peut potentiellement aider l'Afrique», a-t-il précisé. Mais, «il est important que les Africains s'assurent que ces interactions sont bonnes pour l'Afrique [...]. Nous regardons ce que les autres pays font en Afrique et notre seul conseil est le suivant : assurez-vous que ça profite bien à l'Afrique», a-t-il ajouté. Or, les Africains eux-mêmes «reconnaissent que l'intérêt central de la Chine est d'accéder aux ressources naturelles d'Afrique pour nourrir ses industries [...]. Du coup, l'Afrique se retrouve souvent dans la position d'un simple exportateur de matières premières, sans valeur ajoutée, ce qui ne crée pas beaucoup d'emplois en Afrique et ne soutient pas un développement à long terme», affirmera M. Obama. Aussi, a-t-il demandé aux Africains de regarder si les investissements se traduisent par des emplois en Afrique, ou par le maintien sur le continent des ressources africaines. Et en bon promoteur, il propose mieux : un partenariat plus équitable et gagnant-gagnant avec les Etats-Unis. Evidemment, la France s'est vite rendue compte qu'elle ne pesait pas lourd dans cette bataille pour les marchés africains, qu'elle perdait même du terrain dans les pays où elle était fortement présente et qu'elle risquait d'en perdre encore si elle ne réagissait pas. Ce qu'elle fait aujourd'hui en apportant son aide militaire au Mali et en Centrafrique, aide qui, espère-t-elle, ouvrira la voie à ses investisseurs. Le Sommet de l'Elysée pour la paix et la sécurité est l'autre initiative grâce à laquelle Paris entend reconquérir le terrain perdu en Afrique. Désormais, le continent africain a les moyens, le potentiel et les atouts qui lui permettent de s'imposer comme un partenaire à part entière. La concurrence que se livrent les puissances économiques et les pays émergeants joue en sa faveur, à lui de savoir en faire bon usage et l'exploiter à bon escient, en travaillant à l'intégration économique, le développement participatif et la croissance inclusive. H. G.