Entre lui et le désert, c'est vraiment de l'amour. En noir et blanc. Ce n'est pas près de s'éteindre... «Toutes ces photos proviennent du coeur», affirme cet amoureux du désert. Regard Nomade est le titre de sa dernière exposition photographique dont le vernissage a eu lieu, mercredi dernier, à l'hôtel Aurassi. Thé à profusion et tenue de circonstance, blanc immaculé, symbole de pureté d'après lui, l'hôte dans son fier apparat recevait ses invités comme ce guide qui vous invite à le suivre dans le long périple du désert saharien. «Enfant de la mer», Youcef Akam est tombé amoureux du désert dès l'âge de 15 ans suite à une rencontre qui fut décisive pour lui et marquera toute sa vie. Il en fera ainsi son sacerdoce. Une promesse de revenir à chaque fois se ressourcer et prier dans ce vaste espace où tout a commencé, là où les trois religions monothéistes sont apparues. Aussi, l'Islam, la foi, un lien fort qui l'y réunit à tout jamais. Arpenter l'immensité du Sahara, découvrir ses coins et recoins, ses habitants, ses bergers et nomades, se frotter à leur mode de vie pour enfin l'adopter et se faire adopter, se noyer dans son silence religieux, pénétrer ses mystères rocailleux, fondre dans son ombre et se recueillir sur son sable, voyager jusqu'aux monts de l'Ahaggar, ne pas s'arrêter, marcher à dos de chameau à ignorer le temps et prendre le temps de vivre, s'amarrer à la pureté de la lumière et des gens, partir, l'âme nue, à la quête de soi, à la découverte de l'autre désert, enfoui en nous, ont fini par faire de cet homme un sage, un ascète. 99 photos en noir et blanc réalisées grâce à la technique de la quadrichromie s'offrent au regard du visiteur. Le choix de ce chiffre n'est pas un hasard. «Quand on finit par faire la prière, on prend le chapelet et on compte 33 par deux fois, le centième, c'est le témoin. Moi, je me symbolise à ce témoin. Je suis le témoin de ces 99 photos», dit Youcef Akam. Ce photographe nomade possède une collection d'environ 17.000 photos. «Celles-ci sont inédites. Il y a seulement quelques photos que les gens ont déjà vues. La 1re date de 1972 et les dernières de 2002. Mon dernier voyage remonte au mois de janvier», confie-t-il. Cette exposition est la énième «halte» que fait le photographe dans le Grand Sud algérien. Ce n'est pas le couronnement d'une carrière, même s'il capitalise plus de 30 ans de parcours, toujours nourris de cette même passion ardente pour cette terre du Hoggar. Jamais effritée ni étiolée, elle reste intacte comme au premier coup de foudre. «Je remercie Allah de m'avoir fait traverser les déserts dans tous les sens et contresens, mais toujours dans le bon sens», déclare cet éternel rêveur. Ses photos sont un saisissant témoignage. Un livre d'images qu'on parcourt comme on lirait un cahier de bord où souvenirs et émotions sont notés. Douceur et pudeur sont véhiculées à travers les regards profonds mordus par le soleil, rieurs et candides aussi parfois. «Hommes bleus» assis sur le sable priant ou palabrant ou encore altiers sur leurs chameaux. Belles dames noires au charme naturel, voilées et parées de superbes bijoux du terroir, prennent la pose pour celui qui n'est plus un étranger mais un complice. Outre les êtres, Youcef Akam s'est intéressé forcément à leur façon de vivre, leur artisanat, leurs fêtes, leurs coutumes, leurs rites et traditions. L'on peut aussi apprécier cette photo représentant une joueuse de l'Imzad, cet instrument unicorde qui est joué uniquement par les femmes, celle-ci rapportant du bois desséché ou encore celle-là tissant un tapis. Là-bas, tout se fait manuellement. La patience est maîtresse et la sérénité au rendez-vous. Car le temps échappe à ces mortels. Femmes portant son bébé à bout de bras, paysages enchanteurs, tout cela aspire à la quiétude et au calme. A la méditation aussi. Une oeuvre divine que le photographe a voulu immortaliser sous son objectif et la présenter au plus grand nombre, partagé enfin ses riches instants de sa vie avec nous. Une existence jalonnée de rencontres et d'anecdotes. «Je photographie tout ce que j'aime et tout ce qui m'aime. J'ai photographié un scorpion. C'est mon ami, je l'ai aimé et il m'a aimé (...) j'ai grandi avec le désert, tout le désert pose pour moi, les pierres, les arbres...». En somme, entre le désert et Youcef Akam, c'est vraiment une histoire d'amour! Né le 19 octobre 1953 à Bologhine (Alger), c'est en 1968 qu'il tente sa première aventure saharienne, 2 ans après il effectue ses premiers pas dans le monde de la photo chez Mohamed Kouaci. En 1972, il est photographe de plateau pour le film Décembre de Lakhdar Hamina. Après plusieurs stages à Paris, il expose enfin ses photos dans des expositions collectives puis individuelles. C'est à Tamanrasset en 1992 que naît l'aventure Regard nomade. 30 années de photographies à découvrir.